Balade en ville

La situation allait bientôt être renversée, je ne savais pas si j’avais un peu calmé Demi mais d’un autre côté j’étais soulagée qu’elle arrête avec ses questions bizarres. Je n’aimais vraiment pas jouer à ce genre de jeu alors que je ne la connaissais pas, et qu’elle ne savait rien de moi. J’avais l’impression d’être testée et jugée, et je n’appréciais pas trop. Aussi, la conversation vint sur Zephie qui après une petite blague, manifestait son désir d’avoir voulu participer à la chasse au trésor.

- C’était génial. Je ne sais pas comment ca s’est passé du côté des autres participants et j’ai beau ne pas avoir gagné, j’en retiens que du positif ! De superbes rencontres et une belle occasion de découvrir et parcourir Héméra de long en large.

Ma réponse était optimiste. Celle de Demi, pessimiste. Et la situation dégénéra à cet instant précis. Je haussais un sourcil, sa réaction confirmait bon nombre de mes soupçons mais surtout, lorsque Lyte et Demi disparurent de la table, j’avais froncé légèrement les sourcils. Pas à l’idée de savoir qu’ils allaient être deux dans la même pièce, et je savais à travers les yeux de Lyte qu’il était désolé de ce revirement de situation. Mais surtout parce que je comprenais à cet instant que ses parents s’attendaient à ce que ca finisse comme ca. Et sur l’instant, ca ne me donnait que l’impression que je n’étais pas la bienvenue puisque quelque part, j’étais l’élément déclencheur par ma simple présence et ma situation avec Lyte.

Aussi, le temps se fit très long lorsque Zephie s’éclipsa, la mère de Lyte débarrassait pour amener le dessert et j’étais adossée sur ma chaise en attendant que … que je ne sais pas. Que quelque chose se passe. Zephie finissait par revenir, mais ce n’était pas Demi qui était partie mais Lyte. Je m’étais redressée d’un coup et elle avait beau s’expliquer, j’avoue que je m’inquiétais.

- T’as pas à t’excuser, ni tes parents, ni toi, vous n’y êtes pour rien. En revanche, oui, je veux bien que tu m’amènes jusqu’à lui si tu sais où il est. La dernière fois que ton frère s’est barré de cette façon … Enfin peu importe. Je te suis.

Il aurait presque décimé la faune de la forêt de Kilika je suis sûre ! Je me levais et lançais un dernier regard au père de famille avant de quitter la maison avec Zephie. J’avais beau connaître Dollet, je ne savais pas où Lyte pouvait bien être alors je ne pouvais faire confiance qu’à sa sœur pour le retrouver. J’attendais qu’on se soit éloignées pour soupirer et lui parler.

- C’est moi qui devrais m’excuser. On ignorait que Demi serait là et j’aurai aimé que ca se passe autrement, même si je sais que c’est son ex. Elle n’a pas tourné la page n’est-ce pas ? Je plissais les yeux. - Ecoute Zephie. Je ne suis pas seulement la consultante de ton frère, y a … beaucoup plus. Perso je n’avais pas vraiment dans l’intention de le cacher à tes parents et à toi, j’imagine que la venue de Demi a changé la donne pour Lyte surtout. Mais dans tous les cas on n’aurait pas pu le cacher, ce sont des choses qui se voient et je sais qu’à sa façon de me regarder et de m’interroger, elle le sait.

Je tournais la tête vers Zephie.

- C’est pas contre elle, mais il faut vraiment qu’elle tourne la page … Je sais pas ce que Lyte a dans la tête la concernant, mais si elle passe sa vie à attendre sa venue, elle va souffrir. Et Lyte bah … Je vais voir ce qu’il a mais si on peut éviter qu’il se mette à défoncer tout ce qui passe sous sa main …

Je fronçais les sourcils, non, je n’aimais pas trop ca. J’avais un drôle de pressentiment tout à coup. Un mauvais pressentiment.

Je n’allais pas non plus laisser le silence s’installer, dans ce genre de situation, il ne pourrait qu’être pesant. Je n’étais pas surprise que Zephie aussi avait remarqué qu’il se passait un truc entre Lyte et moi, mais elle en profitait pour me parler un peu plus de Demi et de son vécu. Je haussais un peu des épaules.

- Je ne lui en veux pas pour ce qu’elle peut ressentir. Si je dois lui en vouloir, c’est uniquement parce qu’elle me juge sans me connaître. Ce n’est pas avec des questions du genre « t’as une maison quelque part » ou en me demandant indirectement si je suis blindée de frics, qu’elle peut se faire une réelle idée de ce que j’ai traversé dans ma vie et qui je suis.

Enfin bon. La mention de la Tour Satellite aurait dû me faire tilter plus tôt, il m’avait parlé de la naissance de son admiration pour le vent et je crois bien qu’il m’avait mentionné cet endroit. Mais Zephie s’inquiétait du fait que la météo n’avait rien annoncé de « problématique », et je fronçais alors les sourcils. Elle me faisait emprunter un chemin sans risque, à titre personnel, les monstres n’étaient pas trop un problème pour moi mais je n’avais pas trop envie de l’exposer au danger non plus alors je la suivais. Mon mauvais pressentiment ne faisait que s’accentuer, et elle, elle m’interrogeait sur ma relation avec Lyte … Je me mettais à sourire, peut-être qu’un peu de bonne humeur dans ce contexte était le bienvenu finalement.

- Tu sais c’est tout récent, hein ? Hum … Pour être franche on ne s’est pas dits les mots magiques mais … Je perdais un peu mon sourire et baissais les yeux, me souvenant notamment de nos discussions de la veille au bal de promo. - … j’imagine que oui. D’une certaine manière. C’est allé tellement vite que je crois que même nous on ne réalise pas totalement encore.

Il faudrait sûrement encore un peu de temps avant que tout soit vraiment « clair » dans nos esprits. On continuait de grimper en direction de la tour, nous n’étions plus très loin, mais le vent commençait à se lever et je crois que je commençais à comprendre.

- Zephie, je crois pas que ce soit la météo qui fasse ca, mais ton frère. Je fronçais à nouveau les sourcils. - J’aime pas trop ca, reste près de moi ok ?

Et on continuait. Lyte, qu’est-ce que tu fabriques ?

Zephie semblait étonnée que son frère puisque provoquer une tempête, à vrai dire, je l’avais vu à l’œuvre aussi, mais jamais quelque chose d’une telle ampleur mais … je lui adressais un regard un peu inquiet.

- Tu sais Zephie, quand les émotions prennent le dessus, on ne contrôle pas sa puissance et on peut se surprendre soi-même à faire des choses hors du commun. Enfin bon, t’en fais pas pour moi, ca va aller.

Je lui adressais un bref sourire avant de me diriger vers la plateforme. Je n’étais pas très couverte moi non plus en fait mais bon. Plus je montais, plus le vent se faisait sentir. Je savais que je ne pouvais pas faire une arrivée discrète pour une fois : la plateforme faisait trop de bruit. A moins que le souffle soit trop fort et que Lyte n’entende pas tout autour de lui. Je le voyais là, mon visage restait fermé. Aucun chant cette fois ne serait suffisant à remettre un esprit en place. Pas quand c’était les émotions qui étaient au centre du malaise.

Je jetais un coup d’œil sur le côté pour remarquer que c’était un matériel neuf qui était installé sur le panneau de contrôle. Je me rappelais à cet instant de l’incident inexpliqué qui s’était déroulé ici il y a plusieurs semaines. Puis je reportais à nouveau mon attention sur Lyte. Il y avait de la tension dans l’air – j’entends par-là la tension électrique – mais surtout ces ténèbres … je ressentais cette aura si spécifique aux ténèbres, et autant le dire, j’avais beau savoir que chaque être humain avait sa part de ténèbres, je détestais cette odeur.

Je me risquais alors à m’approcher, d’un pas lent, mais déterminé, tout en essayant de ne pas me faire déstabiliser et perdre l’équilibre à cause du vent. Je bravais la tempête, littéralement, jusqu’à me retrouver à côté de Lyte pour regarder l’horizon.

- Tu m’as déjà fait le coup une fois, je ne pensais pas que tu allais te permettre de le refaire encore une fois. Avais-je lâché d’un ton suffisamment fort pour qu’il m’entende, sans le regarder. Ca sonnait comme un reproche certes. Je baissais les yeux, heureusement que je n’avais pas le vertige. - Calme cette tempête s’il te plaît … ce serait bête de détruire ce matériel si fraîchement réinstallé … et ce serait bête que je perde l’équilibre et que je tombe.

Je soupirais, je m’étais mise du côté où sa main était libre, vu qu’il avait sorti sa lance. Je n’ai pas trop compris pourquoi mais je n’allais pas chercher à comprendre pour autant. Et je restais là, jusqu’à ce qu’il se décide à calmer un peu tout ca. Ce n’est qu’à ce moment que je décidais de me mettre assise au bord de la plateforme, pourtant instable et fragile, les jambes dans le vide.

- Tu ne lui as pas dit. Tu ne veux pas la faire souffrir, ni la voir souffrir, n’est-ce pas ? J’étais vraiment très sérieuse, on avait l’impression qu’il n’y avait aucune émotion lisible sur mon visage. La situation était pourtant loin de me plaire aussi, et pourtant, je n’avais pas envie de prendre soin de moi à l’heure actuelle. Il y avait plus important … - On ne peut pas repousser l’inévitable, tôt ou tard il va bien falloir crever l’abcès. Et le plus tôt sera le mieux. Je sais que la situation n’est pas simple mais … j’ai l’impression que vous n’avez pas envie de vous comprendre mutuellement malgré tout. Mais il le faut, Demi doit se rendre compte que les choses ont changé. Et plus tu attendras pour ca, plus ca pourrait avoir de lourdes conséquences, et même auprès de moi tu sais ? Je pourrais très bien me dire que ca veut dire que tu n’assumes pas ce qui se passe entre nous ou encore que t’as encore des sentiments pour elle et que ca te bloque ! C’est le cas ?

Je ne sais pas même pas s’il allait me répondre, en fait, je n’attendais même pas une réponse en particulier, je voulais juste lui ouvrir les yeux. Même si je devais sûrement dire des choses dont il avait lui-même conscience mais dont les appréhensions, la peur, et peut-être même la colère, le bloquaient. Et plus familièrement, j’étais un peu le coup de pied qui venait se planter dans le derrière pour qu’il se décide. Je fixais toujours l’horizon, et étrangement je me mettais à sourire.

- Aussi noire que puisse être la nuit, l’aube lui succède toujours. Je levais enfin la tête pour pouvoir le regarder. - Parfois il faut savoir passer par la souffrance pour pouvoir connaître le repos et le bonheur ensuite.

Et je parlais aussi bien pour lui que pour Demi, en fait …

Finalement, Lyte venait de me faire une petite confidence sur la chasse au trésor. Non je n’avais pas bien entendu ce qu’il m’apprêtait à me dire, mais … si même à la chasse au trésor il a cherché du réconfort ailleurs, je me rendais compte une fois de plus que ces rêves avaient eu un réel impact sur nous … Enfin bon. Je crois que j’étais soulagée qu’il ne se mure pas dans le silence. Mais je gardais tout de même une certaine pression dans le cœur. Pourtant des deux, je n’étais pas celle qui avait le plus matière à souffrir ou à se sentir mal. Lorsqu’il me demanda s’il devait parler à Demi en rentrant, je soupirais pour réfléchir.

- J’aimerai te dire de vous laisser la nuit à tous les deux mais … Non seulement je ne sais pas si elle compte rester demain matin et attendre qu’on se lève, mais en plus, je ne suis pas sûre que tu trouves le sommeil cette nuit si tu cogites de trop à comment tu vas lui parler … Tu devrais lui parler tout à l’heure, crever l’abcès pour de bon … J’aimerai te dire que je serai avec toi si tu as besoin mais j’ai dans l’idée que vous devez parler juste tous les deux. Je n’ai pas ma place dans votre histoire. On a la nôtre, vous avez la vôtre.

La tempête perdait en intensité, je souriais doucement, Lyte devait se calmer un peu … Même si la fameuse question finissait par tomber : comment l’avais-je trouvé.

- C’est ta sœur qui m’a amenée ici. Elle nous attend en bas …

J’espérais qu’elle ne s’impatientait pas trop. J’imagine que de son point de vue, ca doit être pénible d’attendre seule sans savoir comment ca se passe de notre côté, si ca va mieux, si ca empire … Lyte venait enfin s’asseoir à côté, je souriais plus franchement face à ce qu’il me disait et je passais alors mon bras derrière lui pour le rapprocher de moi. Je déposais un baiser sur sa tempe avant de poser ma tête contre la sienne. Maintenant que la « tempête » s’était dissipée, c’est un bien plus joli paysage qui se présentait à nous.

- Il faudra bien qu’on y retourne de toute manière. Ils vont manger le dessert sans nous. Bon ok, j’essayais d’apaiser un peu l’atmosphère avec cette petite blague. Avec le soleil qui se couchait progressivement, je pensais à quelque chose. Autant profiter encore un peu de ce moment, non ? - Hey, tu veux que je te montre quelque chose ?

Je posais la question mais c’était comme si je ne lui laissais pas le choix en fait. Je restais dans ma position actuelle et contre lui, mais j’ouvrais la paume de ma main libre devant moi pour faire apparaître une flamme. Rien de bien impressionnant jusque-là, mais je fermais les yeux. Je me concentrais, et puis je commençais à chanter. Cette fameuse chanson dont j’ignorais toujours où je l’avais entendue, mais qui avait le don d’apaiser. Celle que j’avais chantée sur cette île pour tenter de guérir Lyte une première fois. Celle que j’avais chantée sur le bateau quand on se rendait à Balamb. Comme sur l’île, il y avait ces petites sphères aquatiques qui commençaient à léviter autour de moi, comme toujours quand je mêlais la magie à tout ca.

Mais là, je m’aidais de ma dague pour amplifier ca et j’y mêlais cette petite flamme à toutes ces espèces de bulles volantes. Il y en avait partout, au-dessus de la plateforme, à côté de nous, devant nous, dans le ciel devant nos yeux. Ma flamme s’était dispersée pour aller se mêler à elles, devenant des microflammes qui brûlaient à l’intérieur de chaque sphère. Avec l’effet du soleil couchant, ca rendait le spectacle assez … magique. Ca aurait eu sûrement encore plus d’effet s’il faisait nuit. J’avais arrêté de chanter pourtant mais rien n’avait disparu pour autant, parce que je ne voulais pas voir ca disparaître. Juste profiter.

- Je ne sais pas où j’ai entendu cette chanson, l’air m’a toujours paru si familier. Mais à chaque fois que je m’y mêle ma magie il se passe ca. Enfin sans le feu d’ordinaire. Je trouve que ca a quelque chose d’apaisant.

Et puis étrangement, j’avais cette impression que les problèmes étaient loin. Qu’ils étaient encore là, mais loin.

Et on aurait pu rester ainsi pendant des heures … En réalité, c’était la première fois que je faisais ca, de mêler le feu à l’eau de cette façon, mais je trouvais vraiment que ca avait quelque chose d’apaisant. Mon seul regret était qu’il ne fasse pas nuit pour cela, car ca aurait vraiment donné une ambiance charmante, même romantique. Alors nous étions restés là, la tête l’une contre l’autre, à admirer ce spectacle. Jusqu’à ce que le bruit de l’ascenseur me fasse sursauter. Zephie l’avait fait descendre, comme pour nous envoyer le message qu’on devait se dépêcher. Avant qu’on ne se relève, Lyte parlait de notre prochaine destination et je baissais les yeux. Je perdais ma concentration, avec les bulles et les flammes disparaissaient, se dispersant dans l’air. Ca sentait l’humidité l’espace de quelques instants, du coup.

- Et Junon alors ? Et puis il n’y a que toi qui possèdes l’Orbe du Vent, ce n’est pas garanti que je puisse accéder à l’antre, et qui dit que les Gardiens du Cristal te seront gérables, seul ? Tu possèdes déjà un Cristal … Ca ne doit pas être aussi « simple » à chaque fois ? Et puis la majorité de tes techniques se basent sur le vent non, ils y seront logiquement immunisés.

Oui, je tenais vraiment à aller à Junon, ca me tenait à cœur, c’était pour des raisons vraiment … personnelles dans le fond. Des raisons, je pense, que Lyte ne comprendrait vraiment jamais. Bref. J’attrapais sa main lorsqu’il me la tendit afin de me relever, je lui souriais simplement. Et puis il évoqua sa sœur et je me mis à rire discrètement.

- Tu penses bien qu’après avoir traîné toutes les deux seules pendant quelques dizaines de minutes, je lui ai déjà dit, hein ? De toute façon je te l’ai dit, ca se voit trop.

En attendant que l’ascenseur remonte, j’en profitais pour lui voler un baiser et attraper sa main pour l’emmener avec moi sur la plateforme. J’étais contente qu’il se soit calmé même si les problèmes n’étaient pas encore réglés. Je ne cache pas que j’avais une pointe d’appréhension tout de même, et si j’estimais ne pas avoir à intervenir entre Demi et Lyte, j’espérais que Lyte se rendait compte que quoiqu’il arrive, je le soutenais. Que j’étais là, même quand je n’étais pas là physiquement …
On avait fini par rejoindre Zephie, et j’affichais un large sourire, bien optimiste, le genre qui me ressemblait bien.

- Et voilà le travail. Deux claques et une fessée, et le revoilà. Mais bien sûr sortant de ma bouche et sur un ton aussi enjoué, c’était tout, sauf crédible. - On peut rentrer maintenant. Merci Zephie de m’avoir amenée ici.

Je relevais les yeux vers Lyte. Je ne disais rien, mais c’était comme si je cherchais à savoir à travers son regard, si ca allait aller pour lui, une fois qu’on serait rentrés … L’ambiance risquait de redevenir très lourde et assez pesante.
Alors on se remettait en route pour retourner chez les Swarley, discutant éventuellement avec Zephie si elle le souhaitait. En tout cas, je restais contre Lyte, j’avais dans l’idée que sentir le moindre petit contact, serait une preuve pour lui montrer que j’étais bien là.

Et nous étions rentrés. Lyte ne souhaitait pas attendre davantage pour aller parler à Demi, suivant mon conseil à la lettre, alors je lui avais lancé un dernier regard avant qu’il ne disparaisse dans la chambre où s’était réfugiée la miss. Je suivais Zephie de mon côté pour retrouver le couple Swarley, à table, ils nous avaient attendu pour le dessert. Je leur adressais un simple sourire, assez sincère pour prouver que les choses allaient mieux, même si nous ne savions pas comment tout se déroulait du côté des deux absents.

- Ca devrait aller maintenant. Vous voulez que je vous aide à apporter le dessert, ou faire quelque chose ?

Non, je ne cherchais pas à me faire bien voir en proposant de l’aide à la mère de Lyte. Non seulement je n’aimais pas me tourner les pouces chez quelqu’un pendant que les hôtes font tout – c’est bête mais ca me fait culpabiliser – mais en plus, j’avais envie de m’occuper pour penser à autre chose plutôt qu’appréhender ce qu’il pouvait se passer derrière la porte, là-bas.

Evidemment depuis le temps qu’on s’était absentés, la mère de Lyte avait largement eu le temps de débarrasser les assiettes et couverts sales, mais elle n’avait pas apporté des propres encore. Sûrement parce qu’elle ne savait pas encore combien on serait à revenir à table … Je savais que Lyte allait revenir, en revanche, j’avais des doutes pour Demi. Vu ce que Lyte devait lui déballer, ca devait lui couper tout appétit et surtout, lui couper l’envie de se mêler à la « foule », il lui faudrait rester un peu seule pour réaliser tout correctement. En tout cas, moi je restais là, à essayer de faire la conversation pour que l’ambiance ne se retrouve pas être aussi lourde que tout à l’heure … Mais Lyte finissait par revenir, à croiser son regard, ca semblait aller mieux, mais il me disait qu’elle voulait me voir. Pour ? Sur le coup, je ne cachais pas trop ma surprise, j’avais haussé un sourcil mais je hochais la tête.

Et je me levais de ma chaise pour « prendre la relève », d’une certaine façon. Même si je ne savais pas trop ce qu’elle me réservait. Elle voulait m’enfoncer un bon coup ? Ce serait stupide après avoir discuté avec Lyte et à voir la tête de ce dernier, ca ne semblait pas s’être si mal passé que ca – d’autant plus que nous n’avons entendu personne gueuler ! Elle voulait s’excuser peut-être. Alors je refermais la porte derrière moi, on ne le voyait pas car je gardais toujours un certain calme d’apparence, mais j’étais un peu sur la défensive. Après la scène qu’elle m’avait fait tout à l’heure, vous comprendrez bien que j’allais pas sauter de joie non plus en la voyant. Et puis on parlait de l’ex de Lyte, la personne avec qui j’étais en couple désormais, ce n’était pas n’importe qui … Enfin bon. Je restais adossée contre la porte dans un premier temps, la fixant sans afficher une émotion en particulier. Elle, elle avait pleuré, ca se voyait.

- Tu voulais me parler ?

Demi ne bougeait pas du lit. Je m’en foutais un peu, je me doutais qu’elle n’allait pas sauter au plafond elle non plus. Mais elle avait des choses à me dire, alors je restais contre la porte, à ne pas broncher, je l’écoutais, en restant plus ou moins de marbre face à tout ce qu’elle disait. Non pas que ca ne me faisait rien, mais c’est surtout que je ne savais pas trop comment je devais réagir. Je devais être triste pour elle ? Je devais être en colère ? Je devrais accepter ses excuses, ou l’envoyer voir ailleurs ? Mais me demander de promettre un truc, c’était un peu le pompon.

- Je n’ai pas besoin de promettre ca puisque c’est un peu ce que je prévoyais depuis le début. J’affichais un très bref sourire. Un très bref oui, car il disparaissait tout aussi vite. - Je ne peux pas te dire comment ca va se passer pour toi. Toi, tu as eu la chance d’avoir une « bonne » séparation, dans le sens où tu as gardé un bon contact avec Lyte par la suite. Fais-toi juste à l’idée que c’est fini, ne te fais plus de faux espoirs ni d’idées. Lyte sera toujours là pour toi, je l’ai vu moi-même, mais il ne sera là qu’en tant qu’ami. Si tu te fais trop de plans en tête, tu souffriras toute ta vie. Ce serait bête. Et peut-être que tu réussiras à bien tourner la page, parfois, on trouve de merveilleuses personnes juste à côté de notre porte. Ouvre-toi au monde, ne reste pas focalisée sur Lyte et sa famille. Tu ne tourneras jamais vraiment la page sinon.

C’était bizarre dans la mesure où j’avais moi-même l’impression de lui donner des conseils. Mais la vérité, c’est que malgré les discussions, et malgré le fait que je fasse confiance à Lyte, je crois que j’aurai toujours une pointe d’appréhension qu’elle finisse par chercher à revenir à la charge. Mais voilà. Les Swarley étaient une valeur « sûre » pour elle, au fond d’elle, elle devait bien savoir que peu importe ce qu’elle ferait à l’avenir, ils seraient toujours là. Je soupirais, baissant les yeux l’espace d’un instant.

- Quant au reste, je suis désolée Demi, mais il va me falloir un peu de temps. Je comprends les raisons qui t’ont poussée à me mépriser mais je vais te dire une chose que je n’ai même pas dite à Lyte. Si je voulais et tenais à rencontrer sa famille, c’est parce que moi je n’en ai pas. Mes parents ont été tués quand j’étais petite et la personne qui m’a élevée, je ne peux même pas dire qu’elle m’ait élevée comme si j’étais sa fille. Lyte le sait mais il ne sait pas que c’était la raison pour laquelle je voulais venir ici.

Les oreilles de ma tante ont dû siffler à ce moment, malheureusement, c’était la vérité. Elle avait pris soin de moi dans la mesure où elle m’a nourrie, logée, et appris plein de choses, mais son éducation et sa façon de me parler ont toujours été très durs. A un moment de mon adolescence, j’ai même cru qu’elle ne m’aimait tout simplement pas. Je grinçais un peu des dents à cet instant, remuer ce couteau dans la plaie ne me faisait toujours que du mal quand j’en parlais.

- Je m’attendais pas à te voir ici, et même quand je t’ai vue, je n’étais pas partie sur l’idée de t’enfoncer, je ne te connais pas, je savais juste que t’étais son ex. Ce n’était pas assez pour me permettre de te juger ni même te faire des réflexions. J’espère que tu te rends compte qu’avec tes questions, il y avait largement de quoi me faire passer pour une traînée blindée de tunes qui vient de l’une des plus belles villes du monde. Je suis même pas née à Costa si tu veux savoir, et surtout, tu n’as pas idée de tout ce que j’ai dû faire dans ma vie pour avoir ne serait-ce qu’une situation stable. J’ai voulu rencontrer sa famille, pour voir ce que c’était, une vraie famille, et peut-être même avoir la chance d’en faire partie. Donc que tu le veuilles ou non, oui, je me sens menacée maintenant, à l’heure actuelle je vois ca comme un échec. Si ca se rattrape alors tant mieux, sinon … Bref. Laisse-moi un peu de temps avant d’accepter tes excuses.

Je plissais des yeux, il faudrait peut-être que je retourne là-bas moi non ?

Evidemment qu’elle ne savait pas tout ca, elle ne savait rien de moi avant que je lui dise tout ca. Je ne lui en voulais pas d’être ignorante, moi non plus je ne savais pas grand-chose d’elle, je lui en voulais de m’avoir jugée – devant tout le monde qui plus est – sans chercher à avoir les bonnes cartes en main. Elle s’excusait alors à nouveau mais je soupirais une nouvelle fois. Je n’avais pas de raison de lui en vouloir sur le long terme, juste qu’il me fallait digérer un peu aussi pour accepter ses excuses pour de bon.

- Je sais.

Je restais une seconde immobile, avant de me décider à me retourner et ouvrir la porte pour quitter la pièce, et retrouver toute la petite famille. J’affichais un sourire simple, Lyte m’abordait en parlant d’échanges entre Dollet et Junon, au moins ca fixait pour de bon notre prochaine destination. Je répondais, d’un ton plutôt … « habituel ». Disons que j’avais envie de ne laisser aucune émotion transparaître dans ma voix ou sur mon visage. Ni colère, ni peine, ni appréhension. Rien. Je ne voulais pas inquiéter Lyte.

- C’est super ! Faut juste croiser les doigts pour que les échanges n’aient pas trop diminué depuis la bataille là-bas.

On verra ca demain. Pourtant j’avais beau faire des efforts, j’avais les yeux un peu brillants quand même, signe que l’émotion était bien présente. J’avais évoqué la notion de famille à Demi, et c’était un sujet très sensible chez moi.
Je me remettais bien assise, je n’avais plus trop envie de manger mais, le gâteau avait l’air très bon alors je me laissais aller à la gourmandise. Sitôt que les regards n’étaient plus portés sur moi, je devenais un peu songeuse, n’écoutant que d’une oreille distraite ce qu’il se disait à côté. Lyte proposait de faire un jeu de société ou un jeu de cartes, je mettais une seconde à percuter que la question était adressée à tout le monde, dont moi. Alors je me redressais et tournais la tête vers Lyte. J’avais loupé le truc de Kilika, oups.

- Pourquoi pas ? Maintenant que tu le dis je ne me suis jamais penchée là-dessus quand j’étais ici. Je ne sais même pas si on a les mêmes jeux de société que vous sur Gaia !

Et je ne savais pas ce qu’ils avaient chez eux aussi. Je continuais de manger, croisant brièvement le regard de ses parents. Je me demandais s’il leur avait parlé aussi en ma courte absence ou non, je ne savais pas s’ils le prendraient bien ou non, si c’était le moment ou pas … mais d’un autre côté, je n’avais pas trop envie de leur « cacher » ca jusqu’à notre départ, d’autant plus que ca se voyait tellement paraît-il. J’attendais d’ailleurs que les parents se remettent à discuter pour me pencher un peu vers Lyte - on avait un peu bougé de place depuis tout à l'heure ! - et murmurer :

- Tu leur as dit ?

Spoiler:

Oups … Je n’avais pas pris en compte Zephie qui pouvait faire attention à tout ce qu’on disait … Quand je demandais à Lyte s’il « l’avait dit » à ses parents, elle l’interpréta d’une façon différente, bien différente, de celle que nous voyons … Résultat, méga coup de flippe chez les parents, une assiette en miettes, et moi qui avais manqué de m’exploser le front sur le bord de la table par dépit. Ruka, future maman … Nan. Juste nan. Lyte avoua alors notre situation, au-delà de notre relation consultante-SeeD mais la réaction de ses parents me scotcha. J’en restais bouche bée, comme le trahissait le regard que je lui échangeais brièvement. Alors ok, je veux bien comprendre que ca se voit mais … « vous allez bien ensemble », c’est tout ce qu’on trouve à redire quand son fils annonce qu’il est en couple avec quelqu’un et que ladite personne est justement là !? En plus ils ne savaient rien de moi, ils n’étaient pas plus curieux que ca ?

J’avoue que … ouais non, je ne savais même pas quoi dire, je crois que les plus surpris dans l’histoire de cette annonce, c’était nous. Lyte s’était levé pour aller chercher et proposer plusieurs jeux qu’ils avaient en stock, alors que Zephie revenait à la charge sur cette histoire d’enfant que nous n’aurions pas pour le moment.
…
Pour le moment. POURQUOI JE PENSE POUR LE MOMENT !? Zen Ruka, respire. Si Lyte lui balançait un regard noir, je sortais un peu de mes mauvaises pensées pour sourire.

- Vu ton enthousiasme, si on avait un bébé maintenant, j’ai dans l’idée qu’il serait plus souvent dans tes bras que dans les nôtres de toute façon.

Et mon sourire se voulut bien moqueur même si une part de moi se disait que j’exagérais à peine et que je n’étais peut-être pas si loin de la vérité. Sur ces bonnes paroles, après une éventuelle réplique de la part de Zephie, je rejoignais Lyte pour voir tout ce qu’il sortait, la majorité des jeux me paraissait inconnu d’apparence puisque les noms étaient des jeux de mots avec des monstres de Dol. J’avais beau avoir fait un long séjour et un petit voyage sur Dol par le passé, je ne connaissais pas toutes les créatures pour autant et la plupart n’existait pas sur Gaia non plus.

- Bof le Triple Triad ca ne va pas être très amusant si on joue chacun en duo de son côté ! Non attends … Je regardais un peu les boîtes pour me faire une idée de chaque jeu. - Bon on va éviter certains jeux de culture générale, ils datent d’avant la fusion des mondes j’imagine et j’ai beau avoir passé un certain temps à bosser à Deling, je suis loin de tout savoir sur Dol moi !

Surtout sur les questions d’histoire et compagnie. Je continuais de trier, leur truc du Pikasso, alors autant je me débrouille pas mal en dessin, mais pareil si j’ai le malheur de tomber sur un truc que je ne connais pas, ce serait la loose. En général on demande des trucs simples quand même mais pas envie de prendre des risques de perdre – et ouais je suis comme ca ! J’arrivais sur le Clued’Ao, je lisais l’arrière de la boîte pour avoir un aperçu du contenu et je penchais la tête sur le côté.

- Aaaaah ca je connais ! Bon le nom est différent à une lettre près sur Gaia mais on avait fait une énorme partie un jour où on n’avait plus l’électricité à la maison … Ca vous va ?

Si ca leur allait, on pouvait s’installer et installer le plateau. Bon quand même en réalité, ma dernière partie se comptait quand même en années alors j’avais de vagues souvenirs des règles – et qui sait, peut-être y avait-il quand même des nuances entre Gaia et Dol – alors un petit rappel pour tout le monde ne fera pas de mal.

Spoiler:

Maintenant que le jeu était choisi, il ne manquait plus qu’à tout installer, mais je fus appelée à la cuisine alors je rejoignais la mère de Lyte. La vaisselle n’était pas faite alors je l’aidais. Vu que je ne savais pas où tout se rangeait, je lavais, elle essuyait et rangeait. Et on discutait en même temps, elle semblait vouloir en savoir plus sur mes origines et sur mon parcours, dont on ne va pas se cacher qui était assez inédit. Déjà de base, l’apprentissage à Wutai est différent de celui des autres contrées, on ne va pas vraiment à l’école. Et ensuite bah … je n’ai jamais été dans un collège, un lycée et encore moins une université, j’avais appris à me débrouiller très jeune. Contrairement à de nombreuses personnes, j’étais passée par l’expérience avant la théorie, grosso modo. Puis, elle en vint à un autre fait qui semblait tenir visiblement à cœur autant à son mari qu’à elle : me mettre en garde pour ne pas mélanger travail et vie sentimentale. J’ignorais que Lyte avait un speech similaire de son côté mais sur le coup ca m’a fait … bizarre. Dans le sens où je ne savais pas comment le prendre, à croire que parce qu’on travaillait ensemble, notre relation était comme vouée à l’échec …

Je repensais à ce que j’avais dit à Demi bizarrement, que j’avais l’impression que pour ce soir, la rencontre était un échec … Je recommençais alors à retomber dans mes pensées, et à sentir une certaine déception me gagner. Ca ne me ressemblait pas de me laisser abattre si facilement. Ma « belle-mère » ne m’avait certainement pas dit tout ca pour me décourager ou manifester de l’appréhension sur notre avenir mais je ne sais pas. La journée avait été finalement si pénible que je crois que je prenais un peu certaines choses de travers aussi. Mais une fois la tâche terminée, je lui souriais simplement, la remerciant de ses mises en garde et ses conseils tout de même, et puis on allait enfin rejoindre le reste de la petite famille.

La partie commençait, j’avais pris le pion jaune pour Monsieur Gil Gold – franchement ca étonne quelqu’un ? – et on passait ainsi la soirée à mener l’enquête. L’histoire avec Demi commençait à se faire peu à peu oublier, pour ainsi dire, j’avais même carrément oublié qu’elle était là à un moment, mais depuis le début de la première partie, j’étais bien moins enthousiaste voire même un peu trop distraite. Et puis au fur-et-à-mesure, les émotions et la tension de la journée se dissipaient, alors la fatigue se faisait ressentir. Le coupable finit par être démasqué, mais je n’avais pas très bien joué pour ma part. Non pas parce que ma dernière partie remontait à très loin, mais surtout parce que j’avais l’esprit un peu trop ailleurs.

Alors lorsque Lyte se leva pour aller se coucher, je ne disais certainement pas non et je le suivais jusqu’à sa chambre, lâchant un simple « bonne nuit » au reste de la famille sans faire trop attention aux regards qui nous étaient adressés. Et puis une fois la porte refermée, je ne pouvais pas m’empêcher de lâcher un soupir vraiment peu discret. Comme si j’évacuais une certaine pression et je remarquais que ca pourrait susciter quelques interrogations. Alors je relevais les yeux vers Lyte en forçant un petit sourire.

- Journée difficile, hein ?

Je me décollais de la porte, dès que les volets furent fermés, je me changeais sans gêne pour me mettre en pyjama. La douche attendrait demain, pour ainsi dire, je me sentais tellement vidée que je manquais de courage pour aller en prendre une. J’avais juste envie de me coucher, de m’endormir, et que demain soit un nouveau jour. Pourtant, une fois prête, j’allais me mettre assise en tailleurs sur le lit de Lyte. Oui je faisais comme chez moi et là j’étais tellement ailleurs que je n’avais même pas fait gaffe plus que ca à la chambre. J’avais un peu les yeux dans le vide, mais à la longue, je savais que je pouvais difficilement faire passer ca pour de la simple fatigue. Lyte finirait par le remarquer, si ce n’était pas déjà fait … D’ailleurs lorsque j’avais croisé son regard, j’avais presque baissé les yeux aussitôt.

- Toi aussi on t’a fait le speech du « attention à ne pas mélanger vie privée et travail » ? Je ramenais mes jambes contre moi. - J’ai eu comme l’impression qu’ils voyaient notre relation vouée à l’échec à cause de ca. Entre Demi et ca … Enfin bref, laisse tomber, je suis fatiguée, ca m’aide pas à avoir les idées bien claires non plus. On devrait dormir.

Je voulais juste me foutre sous la couette et oublier tout ca.

Oui je m’en fais trop. Je suis fatiguée. Et ca ne me ressemblait pas d’appréhender autant certaines choses. Je ne sais pas. Je crois que pour une fois dans ma vie, j’espérais que quelque chose se passerait … vraiment bien. Et commencer par bien m’entendre avec ma belle-famille et me faire accepter par eux, en faisait partie. Et justement, Lyte tenait à me rassurer là-dessus. Je me mettais à sourire, cherchant à m’appuyer un peu plus contre lui pour avoir un peu de réconfort et de chaleur. Puis je baissais les yeux sur le lit, il s’était excusé pour ca et je tournais un peu la tête pour l’apercevoir du coin de l’œil.

- Mouais. Fais pas genre « je suis désolé, excuse-moi », je sais très bien que tu cherches le moindre prétexte pour te coller à moi. Enfin bon. Mon sourire perdait un peu en intensité, je baissais les yeux une seconde avant de les relever. - Merci. Ca va aller. On va dire que j’aime pas trop les journées trop riches en émotions, ca me fatigue vite, et ca me donne tellement matière à réfléchir sur plein de trucs que je commence à me faire des films ! Allez, au lit !

On éteignait la lumière et on se couchait. Enfin presque, Lyte venait juste se coller contre moi pour me dire quelque chose. Mais j’avais le sentiment à l’entendre se reprendre qu’il voulait me dire autre chose. Je pensais savoir quoi, et ca me fit bêtement sourire. Pour seule réponse, j’avais attrapé sa main pour la ramener bien contre moi, et je fermais les yeux.

Moi aussi, Lyte. Moi aussi.

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Source : Haruna – Kantai Collection

Et pourtant, cette nuit-là serait aussi source d’émotions pour moi. Avait-ce un lien avec ce que les souhaits cachés que j’avais eu aujourd’hui ? Allez savoir. Mais mon rêve me paraissait, anormalement réel. Un rêve dans lequel je ne me trouvais pas et qui se déroulait dans un endroit très sombre. Une caverne, à priori. Je voyais une femme, à la longue chevelure ébène, aux yeux d’un rouge rubis comme les miens, dans une tenue typique de Wutai. Sur le coup, je l’avais prise pour ma tante, si on oubliait les cheveux longs, c’était son portrait craché. Mais un détail changeait tout : elle avait la même dague que moi accrochée à la taille. Si j’étais réveillée, nul doute que mon cœur se serait serré dans ma poitrine.

Et puis bientôt, une seconde personne fit son apparition, semblant attendre avec impatience l’arrivée de cette femme. Un homme assez grand, dans l’uniforme officiel des membres du SOLDAT, les cheveux châtains, les yeux de couleur Mako … Seule la gemme  de la dague de Léviathan brillait pour éclairer les lieux, et dès que les deux individus se retrouvèrent, ils se jetèrent littéralement dans les bras.

- Je suis désolé, j’ai fait aussi vite que j’ai pu, mais ils commencent à traquer les déserteurs … Ca va ?
- Tu ne vas pas pouvoir rester … De notre côté, ils sont en train d’envoyer une patrouille, et ma sœur en fait partie … Si elle te trouve, elle … Elle baissa les yeux pour remarquer une blessure au niveau du bras de son amant. - Tu as été blessé ?
- Ca ? Juste l’Unité Croissant qui a déployé certains de leurs chiens, y en a un qui a pas voulu me lâcher.

Il avait beau sourire d’un air espiègle, sûrement pour la détendre, elle par contre, ca ne la faisait pas rire du tout. Alors elle posa sa main sur la blessure et commença à marmonner quelque chose que je ne comprenais pas, mais il y eut dans l’air ces mêmes sphères aquatiques que j’avais fait apparaître à la Tour de Dollet. La blessure avait disparu. Et il y eut un écho au loin. Des bruits de pas qui ne passèrent pas inaperçus. La patrouille n’allait pas s’annoncer ouvertement.

- Ils sont déjà là !?
- Ce n’est pas possible, c'est trop rapide. J’ai été suivie !? Prise de court, elle commença à s’affoler et poussa son bien-aimé pour l’inciter à se dépêcher de quitter les lieux dans la direction opposée du bruit. - Va-t-en !! Mais il avait du mal à décoller en fait … - Va-t-en ! S’ils te trouvent, tu vas mourir !

Et enfin, il se mit à bouger, se précipitant pour ne pas être trouvé et la jeune femme semblait … malheureuse. Les pas se rapprochaient, elle prit une profonde inspiration et se retourna pour faire face à un trio de personnes, deux soldats de Wutai, et sa sœur. Ils n’avaient pas de torche avec eux, ils avaient l’habitude de se déplacer dans l’obscurité. Et j’avais reconnu ma tante, bien plus jeune.

- Sanae, c’est toi qui es ici depuis tout à l’heure ?
- Oui. Je ressentais le besoin de prendre l’air et de me défouler, mais c’est trop calme …

Autant le mensonge passait pour les deux autres, autant ce fut un regard rempli de suspicion que je pouvais percevoir dans les yeux de ma tante. Et puis à ce moment-là, le soleil s’était déjà levé, c’est fou comme la notion de temps est différente dans le monde réel et dans le monde des rêves.

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Alors je me réveillais un peu en sursaut et me redressais violemment. Aucun doute que j’avais réveillé Lyte avec une telle brutalité mais, j’essayais de rembobiner tout ca dans ma tête. Cette phrase … Cette phrase en particulier, les mêmes mots, la même intonation, c’était ce que j’avais entendu à Balamb ! Et … Sanae … J’avais les yeux humides tout à coup.

C’était le nom de ma mère.

Alors l’homme qui était avec elle … Du coin de l’œil, je remarquais la lueur de ma dague et je fronçais les sourcils jusqu’à ce qu’elle s’éteigne. Je me tournais vers Lyte. Il fallait que j’appelle ma tante. Mais la conversation que j’allais avoir avec elle, je me voyais mal la faire ici avec le risque d’avoir des oreilles qui traînaient. J’avais le cœur qui battait très vite. Mais je crois que je comprenais enfin. Alors je me laissais retomber sur le lit en mettant ma main sur mon front et je me mettais à rire.

- Je ne suis pas folle … Je tournais la tête vers Lyte. - La voix que j’ai entendu à Balamb … c’était celle de ma mère. Bon ok je ne suis pas sûre que ca l’avance des masses en fait. - J’ai rêvé d’elle … Non … J’ai vu un souvenir d’elle … J’ai vu mes parents … Je baissais les yeux. - Je ne les ai jamais vus …

C’était pour ca que je souriais et avais autant d’émotions dans les yeux. Je n’avais jamais vu la moindre photo de ma mère, et encore moins de mon père vous pensez bien.
Drôle de réveil, je vous l’accorde mais, pour moi, commencer ma journée comme ca, c’était l’une des meilleures choses qui me soient arrivées, je crois. Cette journée allait être bonne.

Ca paraissait fou, même pour moi, et pourtant c’était aussi une véritable bénédiction. Jusqu’alors, je n’avais jamais pu mettre un visage sur le nom de mes parents, c’était très difficile, pénible même. C’était surnaturel, et je comprenais que Lyte cherchait une explication à tout ca.

- Je crois que ca venait de ma dague … Je t’ai déjà dit que j’avais l’impression d’avoir un lien avec et j’ai vu qu’elle brillait tout à l’heure, t’as rien vu pendant la nuit ? Au cas où il se serait réveillé au cours de cette dernière. - Mais il va falloir que j’appelle ma tante quand même pour voir si elle a une explication plus claire à fournir.

Car là, il y avait encore un peu de flou dans cette histoire, même si … certaines choses ne s’expliquent pas trop, je crois. Comme cette rencontre onirique entre Lyte et moi, alors qu’on ne se connaissait ni d’Adam ni d’Eve auparavant. Nous ne venions même pas du même monde. Bref. Puisque pour l’instant, l’explication n’allait pas arriver, Lyte me proposait de me lever, ou de rester au lit, sûrement dans le cas où je voulais me rendormir pour faire une vraie bonne grasse matinée … ou autre chose ? Nan, j’en doutais sincèrement mais je me mis à sourire et je roulai sur le côté de sorte à lui grimper dessus, me retrouvant affalée contre lui.

- Huuum c’est une proposition tentante, surtout que tu fais un bon matelas et un bon oreiller en fait.

En réalité, je ne me rendormais pas. Je crois qu’une part de moi était prise d’une certaine excitation après avoir vu mes parents, ca m’empêchait de me rendormir, mais pour sûr que j’allais garder cette image gravée à jamais dans ma tête. Et à défaut de (pouvoir) faire des conneries en tout genre avec Lyte, je crois qu’on voulait rester l’un avec l’autre. Un peu de douceur en ce bas monde ne fait pas de mal ! Et toujours contre lui, je soufflais un peu.

- J’ai pas envie de me rendormir mais j’ai pas envie de me lever non plus. Juste pour dire que j’étais bien là. - Qu’est-ce qu’on va faire aujourd’hui ? Tu veux rester un peu ici avant qu’on aille se renseigner au port ?

Car on n’avait pas pu en profiter plus que ca hier avec tous les événements qui s’étaient enchaînés.

- Genre … Ce matin on peut encore profiter un peu de ta famille … et cet après-midi on commencera à bouger ?

Et puis j’avais hâte de passer ce coup de fil aussi pour en savoir plus. Je me redressais un peu pour regarder l’heure. Il n’était pas 10h encore. Et je remarquais la BD alors je l’attrapais – curiosité oblige – juste pour voir.

- Oh c’est mignon, tu lisais ca quand t’étais petit ? Ou quand t’étais grand déjà plutôt je dirai …

Vu qu’il était déjà « assez grand » quand il est parti à la BGU. J’affichais un sourire moqueur et comme je savais qu’il allait chercher à le récupérer, je me bougeais pour l’esquiver.
… Sauf que j’avais un peu oublié que le lit n’était pas fait pour deux personnes. Et que se ramasser la tronche par terre, ca secoue un peu. Et je me remettais en tailleurs, ne doutant pas que je venais de réveiller le reste de la maison, au cas où il y aurait encore quelques personnes qui dormaient.

- Hmpf. Même plus besoin d’une douche pour me réveiller là.

Bon si quand même, faudrait bien, je n’en avais pas prise hier soir. Et faut bien que je m’habille aussi.

Oui bon. A vouloir faire un mauvais coup et me moquer de lui, je m’étais ramassée toute seule par terre. Je m’étais remise en tailleurs, les bras croisés et la moue faussement boudeuse. Et je croisais le regard de Lyte qui voulait tout dire, alors je soufflais en l’air pour faire voler une mèche de ma frange. Et je décroisais les bras pour désigner la BD, toujours dans ma main malgré la chute.

- Mouais ca va, te moque pas va, j’ai quand même réussi à garder ca, aha !

On se console comme on peut, hein ? J’affichais un nouveau sourire et lui rendais tout de même avant de me lever pour qu’on rejoigne la petite famille. Tout le monde était levé, enfin presque, il manquait une personne à l’appel. Deux en fait. Je saluais le père de Lyte en croisant son regard avant qu’on ne tombe nez à nez avec Demi. Elle semblait plus … rayonnante que la veille. La nuit avait porté conseil et elle s’était finalement remise de ses émotions. D’apparence du moins, je ne suis pas dans sa tête et à ses indications, je tournais la tête pour apercevoir les croissants qu’elle avait déjà achetés, et reportais à nouveau mon attention sur elle en souriant.

- Merci.

Je m’installais à côté de Lyte et me servais. Je prenais un croissant et un jus de fruits, je n’osais pas trop demander s’ils avaient du thé. Mais alors que je commençais à manger, le père de Lyte avait le nez plongé dans son journal mais l’arrière de la page attira mon attention. J’étais incapable de lire les articles puisque les caractères étaient trop petits de là où j’étais, sauf pour les titres. J’en voyais un où c’était marqué « Le Retour des Chimères » avec une photo qui l’accompagnait d’une créature immonde que je ne connaissais pas. Ca pouvait parler de plein de choses, mais au vu du contexte géopolitique actuel et les derniers événements, je pensais savoir de quoi ca allait parler … mais pour mettre un titre pareil, j’avoue que j’étais intriguée. Je me disais qu’il fallait que j’achète un journal tout à l’heure pour lire ca pendant le trajet, ou au plus tard, que j’aille voir à Junon s’ils avaient les mêmes.
Bref. Pour ne pas paraître trop suspecte non plus, je finissais par relever les yeux et semblais chercher quelque chose du regard. Ou plutôt quelqu’un.

- Zephie n’est pas là ?

J’avoue que je perdais un peu la notion du temps et sur le coup, je ne pensais pas du tout à quel jour on était, alors peut-être était-elle tout simplement au lycée. Ou elle dormait encore … Allez savoir, mais c’était étonnant que ma chute ne l’ait pas réveillée dans ce cas ! Je mangeais, les croissants n’étaient plus très chauds mais ils étaient bien frais et délicieux. L’ambiance était très … calme.

- Alors ? Il y a quoi de beau au programme ce matin ?

De la pure curiosité, mais surtout un moyen de briser le silence. Je n’aimais pas quand c’était trop calme !

Spoiler: