Le Monstre et la Chimère

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Ca avait beau être la seconde fois que je mettais les pieds dans le Paradis des Chocobos, je ne me souvenais pas d’être venue ici. Me revoilà donc, dans ce petit endroit idyllique où les chocobos de toutes les couleurs s’amusent et jouent ensembles dans les bassins et toboggans. J’avais beau de ne pas me souvenir, l’architecture des lieux me paraissait très familière. Dans l’une de mes tenues habituelles – une jupe bleu marine et une veste marron très féminine – j’avais juste les pieds et jambes découverts pour pouvoir m’asseoir au bord du bassin où flottaient les nénuphars, et avoir les pieds dans l’eau. C’était agréable, et pourtant, le monde des rêves était si étrange que je ne saurai vous dire si l’eau était froide ou chaud. Un chocobo bleu clair s’amusait à éclabousser tous ses congénères en battant des ailes dedans et je me mettais à pouffer de rire. Mais à croire qu’il était susceptible puisqu’il se tournait vers moi, les ailes bien déployées, et là je défiais l’animal du regard.

- Essaie de faire ca, et je grille l’eau pour faire un barbecue géant avec tes camarades.

Appuyant mes dires par le geste, un arc électrique avait grésillé l’espace d’une microseconde à côté de ma tête, ce qui réussit à convaincre le volatile de se retenir et d’aller voir ailleurs. Oh, en temps normal j’aimais beaucoup ces bestioles, j’avais l’habitude de les apprivoiser sur Gran Pulse, mais il ne fallait pas me chercher pour autant !
L’espace d’un instant, un frisson me parcourait. Maintenant que j’y pense … - Enfin, penser était un bien grand mot – où est Yusuke ? Lui qui adore les chocobos, il ne devrait pas être bien loin … Si ? Je me tournais un peu pour regarder partout autour de moi, mais je finissais par n’apercevoir qu’une silhouette sombre, et pour le moment, sans visage.

- Youhou, il y a quelqu’un ? Je te vois là-bas ! Qui es-tu ?

Je ne le saurai à vrai dire que lorsqu’elle décidera à se montrer … Et en réalité, c’était loin d’être mon mari !

Lorsque la silhouette s’avança pour devenir plus claire à mes yeux, je me rendais compte que ce n’était pas du tout Yusuke, mais plutôt une jolie – et timide dirait-on – jeune femme aux cheveux assez … atypiques. Ils étaient verts. En soit, des gens avec des couleurs de cheveux parfois bizarres, j’en avais déjà vu sur mon monde natal. Yuj étant sûrement le meilleur exemple puisqu’il avait les cheveux entre le bleu et le vert … mais je n’avais jamais demandé si c’était une teinture ! Peut-être était-ce aussi le cas de cette demoiselle. En tout cas depuis que j’étais sur Héméra, j’avais croisé trop peu de personnes dans son genre.
Elle s’appelait Terra, et son léger bégayement trahissait combien elle était mal à l’aise dans cet endroit. Ce qui me fit assez sourire en réalité et je me relevais afin de pouvoir lui faire face et lui tendre la main, me présentant à mon tour.

- Moi c’est Sheli ! Tu peux te détendre tu sais ? Je ne sais pas si ce sont les chocobos ou moi qui t’effraient mais dans tous les cas, aucun de nous ne mord !

D’ailleurs si un chocobo pouvait mordre, je serai la première surprise. Elle m’amusait un peu à regarder un peu partout comme si elle s’attendait à se faire attaquer d’un moment à l’autre, ou comme si elle était très curieuse. Dans tous les cas, le seul mot qui me venait à l’esprit en la regardant, c’était « craintive ». Et Terra finit par poser la fameuse question : où étions-nous ? A mon tour, je commençais à regarder à nouveau un peu partout autour de moi, me rendant compte ô combien cet endroit était l’Eden des chocobos.

- Non je ne sais pas. Et pourtant j’ai l’étrange sentiment que je suis déjà venue ici.

Quand ? Je ne sais pas. Si j’étais seule ou accompagnée ? Aucune idée. Et même dans un rêve, ca a quelque chose d’agaçant lorsqu’on a quelque chose sur le bout de la langue mais que ca ne nous revient pas pour autant.
Je finissais par regarder à nouveau Terra, toujours aussi intriguée par son accoutrement.

- Tu viens d’où au fait ? J’ai déjà visité Gaia, une partie de Dol et Spira mais j’ai rarement vu la population avec des cheveux verts ! Sauf les Guados je crois ? Tu viens d’Héra peut-être ?

C’était une hypothèse lancée comme ca dans la mesure où, comme je venais de le souligner, c’était le seul coin d’Héméra que je n’avais pas vu … Il y avait sûrement eu quelques personnes venant de là-bas au Tournoi Mystère, mais je n’y avais pas prêté plus grande attention que cela au milieu de la foule, ni dans le feu de l’action pendant les combats, et les différents peuples étaient mélangés, alors bon.

- Oh, et avant que tu ne me répondes. Tu peux me tutoyer tu sais ?

Je venais seulement de remarquer qu’elle me vouvoyait, ce qui me donnait l’impression que j’avais 70 ans de plus qu’elle … Bon en réalité j’en avais près de 500 de plus mais chut.

De nature totalement curieuse, j’interrogeais sans gêne – de toute manière je ne crois pas qu’on puisse être gêné dans un rêve – mon interlocutrice sur ses origines, mais elle m’affirmait se souvenir de rien. Oh. Une amnésique ? Ca ne me choquait pas plus que cela là où, dans la vie réelle, j’aurai sûrement été davantage intriguée. En tout cas Terra continuait à regarder partout, mais je ne comprenais pas ce qu’elle voulait dire par « irréel ». Et lorsqu’elle me demanda d’où je venais, je sortais machinalement :

- Je suis née sur Gran Pulse. Un monde qui n’est pas sur Héméra.

Sans doute pourrait-elle se demander à cet instant comme avais-je fait pour me retrouver sur Héméra si je venais d’un monde indépendant. J’étais morte, voilà tout. Mais bon. Terra s’excusait et sur le coup, je ne comprenais pas jusqu’à ce que je « repense » qu’elle avait failli me vouvoyer à nouveau. Je me mis à sourire à nouveau. Sa timidité était amusante. Voire touchante. Je ne saurai pas dire pourquoi mais il était difficile de la voir d’un mauvais œil en la regardant et en observant son comportement.

Un flash aveuglant nous tira temporairement de notre discussion, j’avais fermé les yeux l’espace de quelques secondes et lorsque je les rouvris, il y avait cette lueur dans l’herbe. Terra comme moi-même semblions être victimes de la curiosité, et je ne me faisais pas prier pour m’en approcher, me mettant accroupie devant pour regarder au travers.

- Je ne sais pas ce que c’est, mais je vois quelque chose de l’autre côté. Rien à voir avec cet endroit !

Je me redressais le temps de me tourner vers Terra pour lui tendre la main.

- On va voir ?

Vouloir aller dans l’inconnu pouvait paraître inconscient et immature … Mais d’un autre côté, on était dans un rêve alors on ne peut pas dire que j’étais apeurée à l’idée d’aller voir. Et même dans la réalité finalement, même si je pourrais avoir des appréhensions, la curiosité primerait toujours sur le reste de mes sentiments. C’était l’un de mes défauts, et ca m’avait souvent mise dans de sales situations … mais parfois dans de très bonnes aussi ! Et puis zut, le seul moyen de voir ce qu’était cet endroit, c’était d’aller voir après tout non ?

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Un portail venait d’apparaître, je ne savais pas trop où il allait nous emmener, mais ma curiosité primait sur tout le reste et je proposais à Terra de le traverser pour aller voir cela de plus près. Elle finissait par attraper ma main, donc nous sautions ensembles à l’intérieur … pour arriver dans un décor radicalement différent. Il y avait d’autres personnes, même si dans un rêve, la plupart de la foule n’a pas de visage. Nous étions dans un endroit qui ressemblait vaguement à un théâtre, et nous nous installions jusqu’à ce que des personnes se mettent à chanter sur scène. Un opéra ? Terra ne savait pas où nous étions.

- C’est un opéra. Du moins, je pense. Je n’en ai jamais vu un mais j’en ai entendu parler.

Disons qu’en temps normal, le théâtre et l’opéra, ce n’était pas ma tasse de thé. J’étais beaucoup plus cinéma. D’autant plus que l’histoire de cet opéra était un peu barbante, le coup du mariage forcé alors que la mariée aime quelqu’un d’autre et qu’en plus c’était censée être son ennemi. J’avais l’impression de voir un remake de Roméo et Juliette. Terra semblait apprécier le chant, par contre et je me tournais vers elle.

- Oui. Et ils chantent bien. Enfin remarque, heureusement, qu’est-ce que ca aurait donné s’ils avaient engagé des personnes qui chantent comme des casseroles ??

Ma blague est nulle je sais mais … C’est vrai. On ne peut pas imaginer et concevoir un opéra ou une comédie musicale en prenant des gens qui n’ont aucun talent pour la musique. Mais l’ambiance changea radicalement lorsqu’une femme s’approcha sur scène, elle avait un visage … et un visage qui n’était pas inconnu à Terra. Je me rappelais qu’elle était amnésique, la chanteuse était de toute évidence une de ses connaissances. Ou elle l’avait déjà croisée quelque part en tout cas.

- Elle est peut-être célèbre ?

Je la regardais un peu plus en détail. Une femme assez jeune aux longs cheveux blonds. De là où nous étions, je voyais mal la couleur de ses yeux mais ce n’était pas le détail le plus important non plus à ce moment-là.

- A moins que tu entendes par « connaître » que tu as été amie avec elle ? Tu arrives à te souvenir ?

Dans la mesure où nous étions dans un rêve, on pouvait se permettre un peu tout et n’importe quoi. Aussi nous assistions à tout ca jusqu’à la fin – même si je ne voyais pas l’heure passer, on n’avait pas la notion du temps – et chose faite, j’attrapais Terra par le poignet pour qu’on descende jusque sur scène.

- Allez viens ! On va voir si on peut la rencontrer ! Si ca se trouve elle te connaît aussi ?

Je ne sais pas pourquoi je voulais l’aider au final vu que je ne la connaissais pas. Je suppose que c’est simplement dans ma nature.

Puisque Terra semblait faire comprendre qu’elle connaissait l’actrice nommée Maria sur scène, je proposais d’aller à la rencontre de cette femme dès que l’opéra fut terminé. Je ne lui laissais pas le choix, mais bon. Je sais que si j’étais amnésique et que je voyais un visage qui me semblait familier, ma curiosité me pousserait à aller voir la personne concernée afin d’en savoir plus. Aussi, j’entraînais Terra presque de force dans les loges. On passait dans les allés entre chaque rangée de sièges, puis dans des petits couloirs avec plusieurs portes pour mener à plusieurs loges. Nous cherchions celle où il était inscrit « Maria », et chose faite, Terra pénétra dans la pièce … où la somptueuse chanteuse se jeta à son cou. Euh ? Oui, donc, de toute évidence, elles se connaissaient.

- J’en conclus que vous vous connaissez vraiment. La belle blonde se recula et tourna les yeux dans ma direction en souriant.
- Je suis Celes, et Terra est bien l’une de mes amies. Vous êtes ?
- Sheli.

Je tournais les yeux vers Terra pour voir comment elle réagissait. Maintenant qu’elle avait le nom en plus du visage de cette femme, est-ce que certains souvenirs refaisaient surface ? Souvent, on raconte qu’on a des flashs qui nous reviennent en tête.

- Terra ? Tu te sens bien ?
- On dirait que tu as vu un fantôme ? Ou que tu es surprise du moins. Quelque chose ne va pas ?

Il faudra sans doute qu’elle explique ce qui lui était arrivé afin que Celes comprenne. En tout cas cette histoire était trop bizarre et alors que je laissais les deux femmes ensembles, je m’approchais un peu du miroir et de la petite penderie où se trouvaient les costumes. Dans un rêve, on n’a aucune retenue ! Je regardais les robes qu’il y avait, elles étaient toutes plus belles les unes que les autres ! J’en prenais une blanche avec des rubans verts foncés en guise de ceinture et de décorations aussi, et j’allais me changer derrière un paravent pour me changer. Toujours en laissant les deux miss ensembles, oui oui ! Puis je revenais habillée, la robe était un peu trop longue pour moi car j’étais d’une petite taille mais quand même !

- Ca me va vachement bien !! Je peux la garder !?

Sans gêne, disais-je.

La belle jeune femme à la chevelure blonde se présenta alors sous le nom de Celes, elle s'identifia comme étant une amie de Terra et semblait bien la connaître. A l'écoute de ses mots, Terra, elle, ressentit comme une douleur à la tête, au cœur puis vit comme un grand flash lumineux s'éprendre d'elle. Elle avait des visions, des ressentis sur sa vie passée, mais elle n'expliquait pas tout. Quand elle ressortit de son état de stase - soit une demi-seconde après - Celes s'adressa de nouveau à elle avec étonnement.

- On dirait que tu as vu un fantôme ? Ou que tu es surprise du moins. Quelque chose ne va pas ?

- Je... Ne me rappelle pas de tout, mais j'ai des images en tête... elle porta ses mains à sa tête. Ça me brûle de l'intérieur...

- C'est pas grave, on va arranger ça. Maintenant que tu es là, tout ira bien, ne t'en fais pas. Assieds-toi et détends toi, on va essayer de reprendre depuis le début !

Alors que Sheli s'essayait à la garde-robe de la cantatrice aux cheveux d'or, les deux anciennes amies s’assirent pour discuter un peu mieux de la situation. Celes lui remémora leurs aventures ensembles, tout ce qu'il s'était passé depuis l'avènement de Kefka, jusqu'à sa destruction, et c'est alors que Terra eu un déclic. Une petite lueur scintilla dans ses yeux et elle se releva d'un bond.

- Je... Je suis une chimère !

Elle se sentait soulagée, comme si elle s'était délestée d'un lourd poids qui l'empêchait d'avancer. Elle se retourna vers Sheli qui s'amusait avec les robes de Celes.

- J'ai quitté ce monde, pour en découvrir de nouveaux et... Ensuite je ne me souviens plus de rien, c'est un trou noir...

Au moins, elle se souvenait d'où elle venait, mais impossible pour elle de savoir où elle était et où elle allait. Quoiqu'il en soit, c'était déjà un bon début. Mais à peine eut-elle le temps de se rendre compte de ses souvenirs que Celes disparaissait, son visage, son corps, c'est comme s'il était aspiré par un trou infini et s'en éloigné peu à peu. Peu après, le trou formé se transforma de nouveau, dans un grand flash lumineux, et un autre portail apparu. Allaient-elles le prendre cette fois encore, ou resteraient-elles ici ?

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Pendant que Celes et Terra discutaient, j’essayais plusieurs robes et j’allais en montrer une aux deux filles … qui étaient trop occupées à parler de leurs aventures pour faire attention à mes bêtises. C’est alors que Terra déclara à voix haute qu’elle était une Chimère et je haussais un sourcil. Celes disparut et un nouveau portail était apparu. J’avais fait le lien avec les Eidolons de mon monde, c’était peut-être pour ca que le portail était là … Mais je m’approchais de Terra – toujours en gardant la robe – et je la regardais de bas en haut.

- Une Chimère ? Tu veux dire, une de ces entités qu’on peut invoquer ? Tu as l’air si … humaine. Je ne pouvais m’empêcher de l’observer, elle ne ressemblait en rien de ce que je connaissais des Eidolons ! Mais … Est-ce que ca voulait dire qu’elle était un être quasi divin ? Comme chez moi ? - Sur mon monde natal, les Chimères sont appelés des Eidolons. On les considère comme quelque chose de divin car ils sont envoyés par notre Déesse pour aider des personnes … spéciales … à retrouver de l’espoir lorsqu’elles n’en ont plus. Mais c’est une histoire compliquée.

Si elle voulait tout savoir des l’Cie, libre à elle, mais ca pouvait paraître complexe lorsqu’on ne venait pas de Gran Pulse et qu’on ne connaissait rien des fal’Cie et de leur malédiction. Enfin, à mon époque c’était une bénédiction aux yeux du peuple que d’être un l’Cie, mais on se rend compte une fois qu’on l’est soi-même que ce n’est pas du tout le cas … Alors certes ca nous permet d’utiliser la magie là où un être humain lambda ne le peut pas, ca nous rend fort, voire très puissant avec un bon entraînement … mais les inconvénients sont beaucoup trop lourds en comparaison des avantages.

- J’étais l’une de ces personnes en tout cas ! Mon Eidolon s’appelait Marthym ! C’était assez spécial d’avoir un lien si étrangement fort avec un tel être … ca m’a fait bizarre quand je l’ai perdu.

Mon regard se perdait dans le vide un instant avant que je ne le relève vers Terra. Je parlais un peu de moi pour le coup, mais je pensais à quelque chose.

- Les Eidolons – ou Chimères peu importe – vivaient à Valhalla … C’est … le monde des morts chez moi, mais c’est là que vit notre Déesse … et ses messagers par extension. Je me tournais vers le portail pour regarder au travers. Il semblait justement y mener. J’avais dû y penser si fort pour qu’il apparaisse ! - J’ai l’impression de reconnaître les rivages. Viens !

Une fois de plus, je lui attrapais la main pour qu’on le traverse ensembles et nous débarquions dans le monde invisible de Gran Pulse. Je n’avais pas conscience à ce moment que Terra pourrait peut-être se poser des questions : comment pouvais-je connaître l’apparence du monde des morts ? En tout cas, devant nous, une mer dont les vagues étaient les reflets du temps, derrière nous, une immense cité qui paraissait si … étrangement vide. Et le temple d’Etro qui surplombait et dominait tout le reste. Chaque monde semblait avoir sa vision du monde des morts. Le nôtre ressemblait à une ville gigantesque, aux couleurs sombres de la mort et à l’ambiance lourde. Je me tournais vers Terra.

- Est-ce que cet endroit te dit quelque chose ? Tu penses que tu as pu y vivre un jour ? Ou que tu es passée par là ?

Elle avait dit qu’elle était partie découvrir d’autres mondes, donc bon …

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Désormais dans le monde invisible de Gran Pulse, je me demandais si Terra reconnaissait quelque chose par ici. Ce monde était celui où trônait notre Déesse et ses messagers … qui n’étaient autre que les Eidolons, ou Chimères selon les mondes. Mais visiblement, Terra ne se souvenait pas de cet endroit. Elle ignorait si c’était sa mémoire qui lui jouait encore des tours, et si vraiment elle n’avait jamais mis les pieds ici. Mais un autre détail dans mes propos avaient attiré son attention : comment pouvais-je savoir et affirmer qu’il s’agissait bien du monde des défunts ?

- Je suis morte. A deux reprises.

Lâchais-je spontanément, non sans avoir eu la mine qui s’était assombrie quelques temps. Le fait de rêver me permettait de parler plus facilement – encore plus que d’ordinaire, dirons-nous – mais il ne m’empêchait pas de ressentir les émotions. Mais quelque part, ca devrait un peu couler de source … Non ? Je ne sais pas, je lui ai dit que je venais de Gran Pulse, un monde qui n’était pas relié à Héméra. Mais j’avais parlé d’Héméra, ca voulait dire que je connaissais aussi ce monde. Peut-être comprendrait-elle maintenant comment avais-je pu changer de monde ? Malgré tout, je lui apportais quelques précisions, quitte à déballer une partie de ma vie. De toute manière, je ne faisais pas trop attention à ce détail.

- T’expliquer le fonctionnement de certaines choses sur mon monde serait trop long et compliqué. Sauf si tu tiens à avoir tous les détails. Mais pour faire court, il y a cinq cents ans, j’ai été victime d’une malédiction. On m’a forcée à faire une chose atroce, mais j’ai refusé, alors pour me punir, on m’a transformé en un monstre odieux et tortionnaire … J’ai erré pas moins de cinq siècles sous cette forme, jusqu’à ce que je me fasse tuer.

Expliquais-je de façon très … neutre. Je véhiculais aucune émotion à ce moment, d’apparence du moins. J’avais l’air très sérieuse, à fixer l’horizon. Mais je me tournais vers Terra en souriant tout de même quelques secondes plus tard.

- Mais ce n’est pas grave ! Enfin si … Mais ca a été une libération pour moi. Pour une raison inexpliquée, j’ai été ramenée à la vie … J’ai rencontré quelqu’un – Yusuke – on s’est mariés, et tout et tout ! Mais notre village s’est fait attaquer par une horde de monstres en pleine nuit et … on est morts …

L’effet de surprise avait été réussi, personne ne s’attendait à voir des monstres sortir d’une météorite, qui s’était crashée à proximité de Néo-Bodhum juste avant l’invasion.

- Mais mon époux et moi sommes revenus à la vie … mais sur le monde d’Héméra cette fois. On était assez déroutés au départ mais on s’y est faits … Même si un mystère plane toujours : comment se fait-il qu’on ait ressuscité ? Surtout moi, ca fait deux fois tout de même …

A croire qu’Etro elle-même aimait me donner des secondes chances …

Oui mon histoire pouvait paraître incroyable, voire abracadabrante selon les points de vue. Pourtant tout était vrai : pourquoi mentirai-je en inventant une telle chose ? Comment pouvais-je justifier avoir atterri sur Héméra mais ne connaître aucun des quatre mondes qui étaient dessus ? Terra ne se souvenait pas comment elle avait rejoint ce monde fusionné mais elle se souvenait avoir voyagé telle une étoile filante. Je ne pouvais nier être intriguée par ses propos. Quelle sensation ca devait être de voler dans l’espace entre les planètes … Voler tout court, je savais ce que ca faisait. Ne serait-ce parce que j’avais eu Marthym, mais aussi parce que j’avais eu des ailes aussi que je n’ai plus aujourd’hui. Mais je ne pouvais pas voler dans l’espace, le corps humain n’était pas adapté pour vivre dans le vide intersidéral. En tout cas Terra revenait au sujet de Zénobie, s’interrogeant sur bien des points … Mon visage se fit sombre, mais je ne pouvais pas lui en vouloir. La curiosité était un défaut, un défaut que j’avais moi-même, il était normal de s’interroger sur des choses qu’on n’avait jamais connu.

- Oui, je me souviens de tout. Je n’étais plus vraiment moi-même, j’étais aveuglée par un mélange de rage et de désespoir. Toute chose vivante me rendait folle, je les jalousais, je jalousais les êtres humains de pouvoir encore vivre librement et parfois même heureux … Je me souviens que j’en ai torturé et tué des masses … Depuis que je suis redevenue moi-même, je peine à croire que j’ai pu faire des choses aussi horribles … Je n’aurai jamais levé le petit doigt sur qui que ce soit …

Ces visions me hantaient encore aujourd’hui, j’avais fait ca, jusqu’à ce que l’humanité disparaisse entièrement de la surface de Gran Pulse … Comme quoi, le désespoir poussait parfois les humains à faire les pires choses.

- Près de cinq siècles dans la peau d’un monstre, j’en ai quelques restes. Je ne peux pas entrer dans une rage profonde sans que … que « l’autre moi » se réveille. On a l’impression dans ces moments-là qu’on est deux dans ma tête …

C’était presque ca en fait. Le truc c’est que je n’avais jamais réussi à admettre que j’étais Zénobie, alors je parlais toujours à la troisième personne d’elle alors que … bah c’était moi quoi. Mais je me rendais compte que le sérieux de la situation rendait l’atmosphère lourde, déjà que celle de Valhalla l’était de base. Je me tournais vers Terra en essayant de sourire malgré tout.

- Mais bon. C’est à moi d’assumer. Comme on dit, c’est notre passé qui forge l’être que l’on est aujourd’hui. Et toi donc ? Ca devait être particulièrement agréable de voler dans l’espace non ? Je n’ai jamais vu encore à quoi ca ressemblait, là-haut !

Pourtant avec Yusuke, nous avions bien prévu d’aller au parc d’attraction qu’ils avaient construit là-bas … Ca promet !

Assez parlé de moi ! Je retournais la question à Terra vu qu’elle avait mentionné avoir voyagé dans l’espace. Je crois qu’indirectement, je ne voulais pas lui laisser le temps de me juger, ou de juger mon passé. Ainsi, la Chimère commença à décrire ses sensations autant que la vue qu’elle avait dans l’espace … Le vide et le noir total à l’infini et à l’horizon … et pourtant on pouvait voir de façon très distincte chaque sphère lumineuse qu’étaient les étoiles, et les planètes aussi … J’essayais de m’imaginer cela dans la tête – oui on peut imaginer en plein rêve ! – et je trouvais ca merveilleux … Je l’enviais même ! Par contre quand est-ce que j’aurai une opportunité d’y aller …

- Avec mon époux on a vu qu’ils ont construit un parc d’attraction dans l’espace ! Il faut y aller depuis Esthar sur le monde de Dol. J’ai hâte qu’on y aille, je verrai mieux de quoi tu me parles ! Ca doit vraiment être une expérience unique d’assister à un tel spectacle.

Je levais les yeux au ciel de la même façon que Terra, songeuse, comme si j’espérais apercevoir l’immensité de l’univers … mais ce n’était qu’un ciel sombre et triste qui s’étendait devant nous. Finalement, la jeune femme reprit la parole pour me parler de son père. De ce lien qu’elle avait ressenti à ce moment-là, dans ce moment de liberté … et que la seule fois où elle l’avait revu, c’était pour le perdre à nouveau. Elle ne m’avait pas encore dit qu’il s’agissait de Marthym, mais je tiquais quand même sur quelque chose.

- Ton père était aussi une Chimère ? Je … Je ne savais pas qu’elles pouvaient avoir des enfants ? Cela dit maintenant que j’y pense … Je ne suis pas sûre qu’il soit mentionné quelque part dans les légendes de mon monde comment elles sont créées. Je sais juste que ce sont des messagers divins.

Sur Gaia, elles étaient contenues dans les matérias rouges autrefois. Sur Spira, elles venaient des Priants … Au final, il n’y avait que sur Dol et sur Héra qu’on ne savait pas vraiment comment elles étaient créées autrefois. Et si toutes les Chimères avaient disparu pour ne laisser que les gardiens des Cristaux … ca voulait dire que Terra était unique, ou alors qu’elle venait encore d’ailleurs, ou qu’elle était elle-même une Chimère gardant un Cristal !???

- Est-ce que tu gardes un Cristal toi aussi ?

Elle ne ressemblait pourtant pas à ces fameuses Chimères qui nous faisaient passer des épreuves pour donner des orbes …

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Voilà que je m’intéressais à la naissance des Chimères maintenant … Je me demandais bien comment Terra était née, qui était son père, et si elle avait un lien quelconque avec un élément, ou même un Cristal. Mais apparemment non, elle n’avait rien à voir avec ca. A vrai dire elle n’avait que de vagues souvenirs d’Héméra. Les bras croisés, je la fixais en réfléchissant. Cette fille m’intriguait sous plusieurs points, vraiment. Je l’écoutais avec attention avant de détourner le regard vers l’immense cité de Valhalla.

- Un appel hein ? Les Eidolons sans doute …

Elle exprimait par le geste le souhait d’en voir plus, aussi nous commencions à avancer pour pénétrer dans les rues de cette gargantuesque ville. Terra me décrivait ses ressentis lorsqu’elle avait découvert qu’elle était une Chimère. Elle se voyait comme un monstre qu’elle disait. Même si je gardais un petit sourire sur mes lèvres, tout en regardant droit devant où je marchais, mes yeux se firent un peu tristes. Je ne pouvais que la comprendre. Au-delà d’avoir pensé que j’étais un monstre, je l’avais vraiment été pour ma part. C’est juste horrible, et cela vous torture l’esprit à vie.

- Ramuh ? La Chimère de la Foudre ? Un vieillard avec un sceptre et une longue barbe ?

Si Terra était vraiment née sur un monde différent de ceux qui composent Héméra, cela voulait dire qu’il n’y avait pas que sur Cocoon et Gran Pulse que l’on connaissait cette invocation. Odin était l’Eidolon de la Foudre d’un l’Cie de Pulse – Lightning – mais selon les écrits, et même la Pompa Sancta de Nautilus, un l’Cie de Cocoon avait Ramuh pour Eidolon et il utilisait le même élément.
Bref. J’avais failli rattraper Terra, la pauvre était si concentrée sur ses songes qu’elle ne faisait pas trop attention à ce qui l’entourait. Mais elle reprit son histoire ensuite. Donc c’est … l’union d’un humain et d’une Chimère qui avait donné naissance à Terra ? D’où son apparence humaine ? Pire encore, mon cœur rata un battement lorsque j’entendis le nom de son père et je m’arrêtais en prenant un air stupéfait.

- Ton père s’appelle Marthym !? Une puissante entité … Je n’en croyais pas mes oreilles. Terra ne va sûrement pas comprendre ma réaction. - Mon Eidolon … Il s’appelait Marthym. Son élément était la lumière bien que son apparence laissait supposer qu’il était de nature chaotique. J’en étais très proche, mais j’ai perdu ma capacité à l’invoquer lorsque je suis devenue un monstre, et même après avoir ressuscité.

Je n’avais pas parlé des l’Cie à Terra, mais je lui avais expliqué que les Eidolons venaient en aide à des personnes « spéciales », dont l’espoir était une notion qu’elles s’apprêtaient à perdre définitivement. Marthym était devenu comme un gardien pour moi, il avait été envoyé par notre Déesse pour m’empêcher de sombrer et veiller sur moi. Malheureusement, sa mission a échoué, puisque je suis quand même devenue un Cie’th par la suite, en refusant d’accomplir ma Tâche.

- Enfin je n’étais pas proche au point de faire un enfant avec, c’est clair ! Je riais nerveusement en passant ma main derrière ma tête. - J’étais une l’Cie. L’une de ces personnes « spéciales » dont je t’ai parlé. Marthym m’avait été envoyé pour que je retrouve l’espoir et la force de me relever. Son épreuve pour le convaincre que je valais bien la peine d’être protégée était éprouvante … Mais j’ai réussi !

Etait-ce vraiment le même Marthym qui était le paternel de Terra ? Est-ce qu’elle allait prendre mal le fait que son père ait pu être proche d’une autre femme que sa mère et sa fille ?

- Le lien entre un l’Cie et son Eidolon est particulier, en général notre Déesse envoie toujours un Eidolon qui correspond, voire complète, la personnalité de son l’Cie. C’était une sensation bizarre lorsque je l’invoquais. C’est comme si nos pensées étaient en symbiose, je suppose que c’est pour ca que j’y tenais beaucoup. Ca m’a fait un vide lorsque j’ai perdu la capacité de l’appeler.

Je soupirais avant de regarder Terra un instant, je me demande vraiment à quoi elle pense maintenant que je lui ai dit tout ca.

- Tu m’intrigues vraiment. Mais je crois comprendre pourquoi maintenant que tu m’as dit ca. Tu m’intrigues dans le sens où je me sens proche de toi. Tu es sa fille là où j’étais sa protégée … La différence n’est pas énorme à mes yeux.

Heureusement que dans le monde de Morphée, nous ne ressentions ni la faim, ni la soif, ni même la fatigue, et j’en passe. Car là avec tous les monologues que j’entamais, ma gorge avait de quoi être sèche depuis un moment. Ainsi, Terra et moi nous étions trouvées un point commun, et pas des moindres : Marthym. Il avait toujours été drôle de voir que mon Eidolon était proche de la lumière là où je domptais la foudre, mais je me souvenais que ma mère avait pensé que ca avait un lien avec mon cœur … Elle le trouve pur, chose que je nie encore aujourd’hui au vu des atrocités que j’ai commis en tant que Zénobie. Quoiqu’il en soit, j’étais la protégée de Marthym, Terra était sa fille, comme je le lui disais, je comprenais alors que je me sentais proche d’elle. Je ne la connaissais pas et pourtant, j’avais envie d’apprendre plein de choses d’elle, de mieux la connaître.

Comme Terra, maintenant que nous savions cela chacune, je pensais que ce n’était pas un hasard qu’on soit là … Pourtant tout cela n’était qu’un rêve, et je n’en avais probablement pas encore conscience à 100%, mais à mon réveil, que penserai-je de tout cela ? Puis-je vraiment m’imaginer de toutes pièces que mon Eidolon ait eu une fille dont j’arrive à donner une apparence alors qu’en m’endormant encore, il ne m’ait jamais traversé l’esprit qu’une Chimère puisse avoir des progénitures ?

- Je suis désolée.

Répondis-je simplement à la Chimère Déchue, baissant les yeux, lorsqu’elle me rappela que la première fois qu’elle avait rencontré Marthym était également la dernière. Ca devait être horrible de rencontrer enfin son père, d’avoir tant de choses à lui dire et à lui demander, mais de ne finalement pas en avoir l’occasion. Et de ne plus jamais l’avoir, d’ailleurs. Je me demandais alors où cela devait se situer sur l’échelle du temps. Marthym avait-il eu Terra après que je sois morte ? C’était probable, j’avais perdu mon Eidolon il y a cinq cents ans … Cela dit, je me voyais mal demander à Terra quel âge elle pouvait bien avoir.

Mais je m’attendais à deux possibilités dans la mesure où elle était mi-Chimère, mi-humaine. Soit son côté humain prenait le dessus et elle vieillissait de la même façon que les Hommes … Soit son côté Chimère dominait, et elle avait une espérance de vie très développée. Tout comme ma vie était très longue puisque le fait d’avoir été un Cie’th Immuable m’avait permis de rester en vie pendant cinq cents années, quand bien même je n’étais plus vraiment moi-même durant ce temps-là. Bref, Terra reprit la parole, ce qui me fit sortir de mes songes et je m’arrêtais en même temps qu’elle. Elle semblait perdue … Je venais m’accroupir à côté d’elle.

- Tu as dit que tu avais voyagé dans l’espace, c’est probable que tu aies atterri sur Héméra et que tu ne t’en souviennes pas … Quant au pourquoi du comment on s’est rencontrées, je doute aussi que ce soit le fruit du hasard … Mais pourquoi par contre …

Je levais la tête un instant, le bout du doigt sur les lèvres pour réfléchir. C’est vrai que c’était mystérieux, et certains mystères ne peuvent pas être résolus quand bien même les coïncidences et le hasard étaient trop énormes. C’est ce qu’on appelle le destin, chez nous, et on y croit fortement. Je baissais les yeux à nouveau vers Terra et je me mettais à sourire doucement.

- Peut-être que Marthym n’a pas totalement disparu ? Qu’il existe encore quelque part, peut-être pas forcément sur Héméra, je ne sais pas. Peut-être qu’il s’en veut pour toi et qu’il a voulu te donner une famille, d’une certaine manière ?

Je me mettais à rougir avec une petite gêne. Ce n’était qu’une hypothèse sonnant presque comme une conclusion hâtive. Je sous-entendais tout de même que Terra et moi étions presque une famille, alors que nous n’avions aucun lien de parenté. Nous n’étions même pas nées sur le même monde.

- Enfin … Pour ne pas que tu te sentes seule … Tu vois ce que je veux dire ? J’en doute, je balbutie et c’est un peu confus ce que je dis. - En tout cas je suis très contente de t’avoir rencontrée !

Conclus-je avec une note bien plus joyeuse et joviale.

Terra et Sheli se réveillent.

En espérant vous revoir bientôt au Paradis des Chocobos !
(Oui je m'auto-parle en disant "vous" )

Fin du Rêve!