Tu n'es (pas) qu'humain

Depuis son arrivée à cette école, Shellie avait l'impression de se trouver flotter dans une sorte d'épais brouillard. Une sorte de léthargie l'envahissait plus qu'à son habitude se faisant. Cette sensation était un peu similaire à quand elle s'était retrouvée couler dans l'océan. Cette fois par contre, elle ne faisait autrement que de se laisser entraîner vers le fond. Bien que capable de bouger à sa guise, aucune envie de se débattre contre ce courant ne lui venait. Une sensation similaire qu'à Midgar, bien qu'elle était moins prononcée, plus nuancée, moins vive. Même en ignorant tout de cette histoire d'attaque de sorcière, la jeune fille savait que cet écho allait prendre du temps avant de s'estomper. Elle remarquait que c'était chose très commune aux endroits habités d'êtres humains, à croire qu'ils transportaient tous un peu cet air similaire, comme s'ils n'arrivaient jamais à le faire taire complètement. Seule l'intensité changeait vraiment.

Si quelque chose pouvait tirer la jeune fille de cette torpeur forcée, c'était bien l'odeur d'épices et de viande séchée qui se présentait juste sous son nez. Ses paupières se soulevèrent lentement, suivant du regard la friandise. Elle ouvrit grand ses mâchoires pour s'en emparer, mais on le lui retira juste au dernier moment, présentant plutôt une sorte de bâtonnet en bois avant qu'elle ne puisse refermer la bouche. Confuse, elle ne bougea pas juste assez longtemps pour permettre au docteur de lui examiner les dents avant qu'elle ne se retire.

-Une dentition de carnivore de toute évidence, mais tu as l'air capable de manger de tout. Un moyen de défense peut-être? Je ne sais pas où Linoa t'as trouvée, mais c'est une anatomie assez unique. Je commence à penser que j'ai besoin d'appeler un vétérinaire pour toi... À part ça tu me sembles en bonne santé. Je sens que monter un dossier pour toi va être tout un casse-tête.

Le docteur laissa la fillette avoir la gâterie promise, voyant bien qu'elle commençait à avoir du mal à la faire tenir en place. Outre de se faire examiner lorsqu'elle était attachée et se faire injecter de toutes sortes d'aiguilles, le concept de médecin lui était toujours mystérieux. Si elle ne l'avait toujours pas croquée d'ailleurs, c'était en bonne partie parce qu'elle n'avait pas la même odeur que ceux qu'elle avait croisé auparavant. Elle n'arrivait d'ailleurs pas à s'enlever de la tête que tout ici lui semblait différent et étrangement familier, un peu comme si elle n'était que dans une copie du monde auquel elle était habituée. Peu importe, ce n'était pas une pensée qui la préoccupa longtemps. Tout ce qui l'intéressait vraiment en fait était un bout de soleil à l'allure particulièrement confortable qui passait sur le lit de l'infirmerie. Maintenant que le docteur n'était plus là pour l'embêter, elle pouvait s'y adonner à coeur joie, se jetant sur la couchette, s'étirant puis ramenant ses cuisses contre son corps pour mouler ses formes sur celles de la chaleur solaire. Cette chose n'avait pas que du mauvais après tout quand on s'y habituait. Immobile, sa peau plus blanche que les draps sur lesquels elle reposait, on croirait presque que quelqu'un était venu poser une petite statue de marbre sur le lit. Il était probablement difficile pour ceux qui ont vu de quoi elle était capable sereine et inoffensive de la sorte, tandis que le docteur qui en avait la garde pouvait en avoir l'opinion contraire, si ce n'était des grandes griffes et des crocs proéminents dont elle disposait. Le docteur lâcha un soupir en laissant les vêtements d'étudiant au pied du lit. Sa robe n'étant plus utilisable une fois de plus, c'était le mieux que l'école pouvait lui offrir apparemment, d'autant qu'il y eut une baisse de fréquentation scolaire soudaine depuis quelques temps. Elle tira le rideau juste assez pour lui permettre un minimum d'intimité sans pour autant bloquer le soleil.

L'obscurité et un calme relatif tombé sur la BGU, l'écho parfois serein, parfois agité des dormeurs ne rendaient que plus évident celui qui s'approchait de son propre nid. L'intention hostile de cette voix était claire, mais le plus alarmant était l'odeur de cet intrus qu'elle reconnut. Avant même que la porte s'ouvre pour donner sur l'infirmerie, une lueur d'un rouge vif pouvait être vue de l'autre côté du rideau de séparation. Deux petites billes rouges brûlaient dans le noir, portées intensément vers la source du bruit. L'odeur familière d'une certaine organisation pour laquelle elle n'avait aucun amour lui était parvenue jusqu'aux narines, et cette dernière aurait aussi bien pu être l'odeur du sang pour la mettre dans tous ses états. Un grognement bas émana de derrière le rideau de séparation. Les griffes du makonoïde se resserrèrent dans ce sentiment de colère qu'elle redécouvrait. Étrangement, bien qu'elle se montrait aussi agressive, elle demeurait bien immobile.

Pourtant prête à bondir et passer à l'attaque, SHELL-E demeurait bel et bien sur la défensive. Ce n'était pas l'audace de s'en prendre à n'importe quel élément hostile qui lui manquait, même ceux beaucoup plus impressionnants qu'elle. Le fait qu'elle se montrait sur la défensive dénotait que quelque chose clochait. Le précieux bracelet qu'elle portait toujours n'était pas à sa cheville. Désarmée, même l'enfant sauvage savait qu'elle ne faisait pas le poids. L'action la plus raisonnable se résumait à tenter d'intimider l'intrus, espérant qu'elle tourne les talons. Aller chercher l'objet dans le cabinet contenant ses quelques possessions terrestres l'exposait à toutes ses sournoiseries en retour, encore fallait-il qu'elle ait le temps de l'enfiler. Elle montrait les dents, tendais ses muscles et se montrait prête à bondir, mais pour la première fois, elle aboyait plus qu'elle ne mordait.

Malgré cela elle ne déviait pas son regard d'un iota, décidée à faire reculer la cyborg. Elle attendait qu'elle fasse le premier mouvement, voir si jamais son bluff marchait ou improviser. Si elle l'approchait quand même, elle pouvait aussi bien feinter lui sauter à la gorge pour la dépasser et sortir par la même porte qu'elle avait emprunté. Toutes ces options étaient loin de favorables, mais à situation désespérée, moyens désespérés. Ses récentes expériences dans les laboratoires de la Shinra avait eu de quoi lui donner raison d'éviter de se faire prendre à nouveau sans au moins livrer un combat d'abord.

- Saluuuuuuuuuut, toi...


Si la cornue pensait faire peur à Katina en allumant ses yeux, elle se fourrait le doigt dans l’œil jusqu'aux tibias. Les deux petites billes rouges se retrouvèrent face à un seul œil doré, avec un iris avec une nette apparence de circuit imprimé. Difficile de dire si Shellie avait eu le temps de voir quoi que ce soit avant que le sabre de bois ne s'abatte sur son crâne, mais Katina s'en foutait comme de l'an 40. Tout ce qui lui importait était de se débarrasser fissa de cette saleté à andouillers et de plier bagage aussi vite que faire se peut.
Le manque de SeeD disponibles, merci Ultimécia, n'avait fait que renforcer la politique de la BGU d'expédier leurs élèves aux quatre coins du monde. Il avait suffi de faire quelques yeux doux auprès des professeurs pour se faire attribuer une mission à Spira. Comme ça, Katina faisait d'une pierre trois coups : elle livrait Shell-E à la Shinra et pouvait obtenir des mises à jour sur la situation des cristaux dans le monde, le tout sans éveiller les moindres soupçons chez les gars de Dol. Le pied total.

Après avoir ficelé Shell-E du mieux qu'elle pouvait à l'aide de colsons et l'avoir enfermée dans une valise (avec des trous dedans, hein, les blouses blanches allaient gueuler si elle leur amenait une bestiole asphyxiée), Katina partit de la BGU. Un pilote allié devait venir la chercher avec un aéronef de Spira pour ne pas éveiller les soupçons... Et quelle ne fut pas sa surprise de voir que le type aux commandes n'était autre que ce cher vieux capitaine Higglaw !


- Tain, Kat, c'était pas des sottises, ils t'ont vraiment refilé un corps d'ado.
- M'en parles pas, j'ai l'impression de taper comme une crevette avec ce corps. Maintenant qu'on peut plus se shooter à la Mako pour s'améliorer, c'est ça le standard du SOLDAT.
- Content d'avoir quitté le service actif, moi... Bon, je te dépose à nos bureaux à Bevelle avec le colis. Fais gaffe à toi, cela dit. Gradivus, tu connais ?
- Le cabot bleu métallisé d'Asran ? J'ai un dossier à son nom, ouais, pourquoi ?
- Mademoiselle s'offre des vacances à Bevelle après ses péripéties. Si elle suspecte pendant une demi-seconde que t'es un cyborg, elle va te satelliser.
- Même pas peur ! Bon, tu décolles ou t'attends le prochain bus ?
- Mets le colis dans la soute et télécharge-toi un film, on sera à Bevelle avant que t'aies le temps d'atteindre la pub !


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Katina et Shellie vont à l'antenne Néo-Shinra de Bevelle


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