Rencontre MeeTek [Mars de l'an 2]

Cela faisait vingt quatre heures que la citadelle d'Ultimécia avait quitté les cieux de Dollet, que l'Invincible avait fuit la zone et dans l'ensemble, elle estimait s'en être plutôt bien sortie. Elle avait pu croiser de nombreuses personnes intéressantes et évité bien des ennuis avec les autorités. Au bout du compte, elle n'avait pas obtenu grand chose si ce n'était un contact avec T-Ckilla.

De part sa nature profondément opposé à la sienne, cet être la révulsait mais l'on dit souvent que les opposés s'attirent et il n'y avait sur ces terres que lui qui semblait avoir une psyché similaire à la sienne. Peut être devait elle s'en inquiéter, peut être devait Il s'en inquiéter. Quoi qu'il en fut, sans nouvelles de son contact, elle n'avait nulle part où aller alors elle se dirigea vers un petit bar qui ouvrait à peine pour fêter la victoire malgré l'heure encore peu propice à la boisson. La journée d'Hiver arrivait tranquillement à son terme, il était une peu plus de dix-sept heure et le soleil commençait doucement à ce coucher.
Loin d'elle l'envie de se taper une cirrhose mais bon elle tenait, d'une certaine façon, relativement bien l'alcool.

Certaines personnes jouaient au billard, d'autre aux cartes. Elle se laissait bercer par la musique d'un Jukebox. La mélodie n'était pas incroyable mais elle faisait l'affaire. Assise, seule, à une petite table elle broyait un peu du noir. Il n'y avait, heureusement, pas assez de monde pour que quelqu'un vienne l'importuner.
Elle appréciait un petit verre de Whisky pendant qu'elle triait les photos qu'elle avait prise des événements. Certaines étaient trop floues, d'autres inutiles et certaines étaient privées.

Petit à petit, alors que le soleil approchait l'horizon illuminant le ciel de couleurs flamboyantes le bar se remplit augmentant la joie ambiante des fêtards qui célébraient la fin du calvaire.
Elle, demeurait seule et ressemblait un peu à une jeune adulte qui venait de rompre. Le Crépuscule avait tendance à la rendre un peu morose mais elle avait le don de faire comprendre aux autres de passer leur chemin.

N'étant pas d'humeur, elle avait envie de rentrer à l'hôtel pour y passer la soirée et dormir mais il n'était clairement pas encore l'heure pour cela aussi devrait elle trouver un moyen de tuer le temps.

La ville de Dollet était en effervescence.

Les klaxons des voitures rivalisaient avec leurs homologues marins que le vent portuaire emportait dans toutes les rues de la ville. Les lumières, déjà, concurrençaient le soleil et ses sœurs invisibles, parant les rues bondées du plus bel éclat. Rayonnante, la cité des dolliens exposa ses plus beaux sourires, se maquilla de multiples couleurs, affichant talons hauts et chaussures de marques pour marteler avec ferveur et allégresse le pavé lustré. Ivresse douce et abandon insouciant, la petite sœur de Galbaldia profite de sa liberté nouvellement acquise. Après tout, elle demeure celle qui a résisté face à l’Archi-ennemie, chose dont elle se vantera tout au long de la soirée à venir. Elle a aussi repoussé l’envahisseur, l’étranger, ce vaisseau qui venait d’ailleurs pour semer la peur. Rédemptrice et salvatrice, elle a su déjouer le joug qui conditionnait les sorcières pour les rallier à sa cause, juste par essence, et ne manquera pas de le rappeler encore et encore.

Tant de femmes devenues dames à l’ occasion du défilé d’étoiles. Tant d’hommes devenus gentils à la naissance de la nuit. Les rues en sont bondées, de ces gens qui se gaussent, exultent et jouissent. Dans ce grand orchestre de la libération, seule une ombre, tache fortuite d’une toile inachevée, subsiste encore. Bientôt le large d’un nouveau voyage le ravira à ce lieu de démence et d’allégresse. D’ici-là, il demeure vagabond au sein d’une communauté qui ne le voit même pas.

A la vue d’un bar, il entre. Les senteurs de quelques élixirs l’auraient-ils attiré ? C’est peu probable, ce dernier n’ayant que le souffre aux narines et les cendres en bouche. Peut-être est-ce pour y rencontrer quelqu’un alors ? Si la chose pouvait sembler vraie au vu des évènements qui suivront, ce n’est qu’une autre illusion, comme cette grande liesse qui joint chaque habitant les uns aux autres. Il déambule, tout simplement. Il n’y a pas de raison, pas de logique, juste l’implacable chaos d’une réalité trop complexe pour le commun des mortels qui se contente d’appeler l’inconnu par le doux nom de destin.

Il commande une tequila – sans aucune touche d’ironie – avant de remarquer une bien étonnante présence. Attablée, une jeune femme consomme seule quelques breuvages. Elle semble là depuis plus longtemps que lui au vu du nombre de cercles aqueux sur sa table, lesquels rendent compte du nombre improbable de consommations de cette dernière. Il détourne le regard et lève ses yeux sur un plafond de bois dont les plaintes grincent déjà sous la fougue de la jeunesse. Puis, il se dégage, commande deux autre verres, et se dirige vers elle.

Melody… Plus il en approche, plus il appréhende cette rencontre. Proche de jeunes timides trouvant enfin le courage d’aborder l’élue de leurs cœurs – pour quelques mois du moins -, il s’interroge sur le bien-fondé de son entreprise et ressasse un passé fait d’une complicité davantage basée sur le rejet mutuel que sur la compréhension. Elle est dangereuse… Au moins autant que lui, et d’une espièglerie qui est toute aussi attrayante que délétère. Malheureusement, même si cette femme au plus exquis des minois irradie d’une splendeur chaleureuse, elle brulerait en un instant quiconque serait assez fou ou présomptueux pour s’y risquer. Enfin… Ce n’est pas vraiment pour son physique que l’ange du néant s’apprête à l’aborder…

Il passe à côté d’elle et dépose lentement un cocktail devant cette dernière. Il ne dit mot, ne montre rien, et se contente de prendre un peu de recul, comme tout bon serveur saurait le faire. Le verre de la demoiselle est d’un mélange subtil de rouge et de jaune selon un gradient du plus bel effet. Une robe blanche, légère, pare la solution dont quelques paillettes éclairs les contours. Le serveur a fait là un travail remarquable, bien que son livreur n’y voit qu’une association de teintes ternes et blafardes.

Le nihiliste se positionne devant Melody, tire un peu sur la chaise sur sa droite, pour enfin lui adresser la parole.

« Bonsoir Melody. Puis-je te tenir compagnie ? »

La soirée était d’un ennui mortel et la jouvencelle millénaire semblait royalement s’emmerder. Sa venue était donc, peut-être, le gage d’un peu de distraction dans toute cette morosité ?

Les habitants de la ville avaient improvisé un petit festival depuis la retraite de la nécromancienne et cela durait encore plus de vingt quatre heures après. La ville était en liesse suite à sa victoire et les rues brillaient de concert avec la joie de ses habitants. Mélody ne partageait pas leur allégresse.
Ultimécia s'en était sortie sans grand problème et Garland leur avait filé entre les doigts avec cet engin inconnu aussi étrange que dangereux. À ces yeux, il ne s'agissait pas d'une victoire, cela était un gain de temps, tout au plus.

Assise à une table dans un des bars de la ville, elle observait depuis une fenêtre les humains qui exprimaient leur bonheur. Une vielle habitude. Accompagnée d'un vers qui ne restait jamais bien longtemps vide, elle questionnait ses choix.
Pourquoi aider un peuple qui détestait la sorcière qu'elle était? N'étant pas originaire de Dol, même ses 'sœurs' ne pouvaient la voir en peinture. Pourquoi faire tant d'effort pour des mondes qu'elle ne connaissait que depuis peu?
Elle connaissait la réponse, en se tenant aux portes du Valhalla à contempler des millions de vies pendant une millénaire, il y avait eu plus d'une fois où elle avait voulu intervenir mais pour l'heure, elle voulait oublier cette raison.

Ne plus appartenir aux vivants pendant de nombreux siècle faisait que l'on oubliait les désagréments d'avoir un corps physique, la fatigue, la faim et l’ébriété entre autres. Elle avait eu l'occasion de boire depuis sa résurrection mais c'était bien la première fois qu'elle buvait suffisamment pour empourprer son visage au point de presque éclipser les marques rouges présentent sous ses yeux et son front.

Quelque chose qui approcha la ramena à la réalité alors qu'elle était perdue à mi chemin entre souvenirs et Imaginaire. Un vers aux couleurs inhabituelles. Elle se perdit quelques secondes devant le breuvage dont elle ne se souvenait pas avoir demandé avant de soupirer.

- De... elle se racla la gorge. De qui est il cette fois? À force cet endroit risque de prendre fe- Oh... Je suis là depuis combien de temps pour que Tu sois serveur ici?

Son regard s'illumina, bien qu'elle ne fût en pleine possession de ses moyens, elle irradiait plus de chaleur qu'une cheminée par une froide soirée d'hiver et elle semblait à l’affût du moindre mouvement déplacer pour se mettre en garde malgré ses réflexes endormis.
Avec un grand sourire aussi innocent que celui d'une enfant qui préparait une bêtise, elle accéda à sa demande de lui tenir compagnie.

- Faut dire qu'après l'accident que j'ai eu par ta faute, tu me dois bien ça. Alors, qu'avons nous là?

Elle plaça le bout de son index dans son vers et en le sortant pour goutter, le breuvage pris feu.

- Pas mal.

D'un mouvement assuré, du moins il l'était de son point de vue, elle prit le vers avec l’alcool et commença à vider le vers d'une traite.
Son visage devint rouge, dépassant le stade d'écarlate et alors qu'elle semblait en souffrance après ce vers supplémentaire, elle leva l'index pour demander un instant et pris une grande inspiration dans un moment d'intense concentration.
Elle tourna son visage vers l'intérieur du bar et souffla. Un jet de flamme vint illuminer l'intérieur du bar et faire monter la température de plusieurs degrés pendant quelques secondes.

Pris de stupeurs, bien des clients prirent leur distance après avoir exprimé leur peur pour la plupart et des encouragements pour les plus 'joyeux' des clients.
Elle ria bruyamment, amusée par son petit tour de magie. Son teint était bien plus clair et son regard plus vif. Se concentrant sur T-Ckilla, elle posa un coude sur la table et s'appuya sur sa main.

- Nous seront plus tranquilles comme ça. Alors, que me vaut ce plaisir? Tu dois être bien content de ce qu'il s'est passé.

Comme à chaque fois qu'elle le voyait, quelque chose en elle lui criait de nucléariser la zone mais elle voyait à ses yeux que lui aussi était comme elle. Probablement que voir des générations mourir les unes après les autres et voir des civilisations s’écrouler donnait ce résultat quelque soit le caractère de la personne.

Une longue nuit se dévoilait peu à peu sous de biens curieux traits. Sensuelle et pétillante, elle jouait d’une main habile, nouant et défaisant les liens que ses sœurs avaient pris soin de tisser par le passé. Ainsi les bars se remplissaient et les panses s’emplissaient à en vomir une odeur forte de gaîté et d’ivresse. Il était cependant trop tôt pour la qualifier de « douce »… Joueuse lui convenait suffisamment pour l’heure selon les considérations du nihiliste.

Mélody, étrange note discordante dans cette partition de bonne humeur, demeurait là, assise, ingurgitant son malheur d’une façon qui ne lui ressemblait guère. Intrigué par ce singulier solo, et délaissant par là même l’orchestre des bonnes gens, le nihiliste se proposa de lui servir un verre. Quelle ne fut pas sa surprise quand il découvrit que la demoiselle était un véritable réservoir d’éthanol, capable de purger l’endroit de toute infection dès lors que son estomac en aurait assez d’être malmené. Le verre n’était peut-être pas une idée judicieuse… Pourtant, il le lui laissa, se contentant de sourire à sa comparaison.

« Ais-je l’air si vieux que cela ? » lança-t-il en exprimant un léger sourire.

Suite à cela, il la laissa approuver sa présence et prit possession de la place à ses côtés. Il ne pipa mot quand elle trempa son doigt dans le breuvage, mais ne put se contenir lorsqu’il vit cette dernière cracher une longue gerbe de flammes.

« Si je l’avais su, je t’aurai amené du vin chaud... »

Aucune émotion cette fois-ci. Était-il sérieux ou s’amusait-il de la situation ? Difficile à dire. En lui sommeillait toujours cette irrépressible envie de mettre ses mains autour du frêle et délicat cou de la demoiselle pour le broyer de toute sa force. Néanmoins, cette sensation fut reléguée derrière bien d’autres, la courtoisie et la bienséance primant.

Bien évidemment, elle l’invitait à parler, exigeant, sans le dire, qu’il clarifie ses intentions. Visiblement, la note venait de s’accorder de nouveau au reste de la symphonie qui se jouait dans ce bar. Bien… l’ange du néant préférait la voir joyeuse. Cela lui rappelait qu’il n’appartenait pas au même monde.

« A vrai dire, je ne pensais pas te rencontrer ici. »

Il détourna les yeux vers deux individus, bras dessus, bras dessous, riant à gorges déployées alors que leurs pieds frappaient en rythme le sol. Derrière encore, on pouvait apercevoir un couple échanger leurs salives au point d’en couvrir le sol, lui même recouvert d’un mélange de verres brisés et de bile… Charmant. Il revint vers la jouvencelle, ses yeux de sangs luisant d’une douce lueur.

« Le devrais-je ? Garland a fui la queue entre les jambes, les mages noirs sont libres, les génomes sont… Disons presque hors de contrôle… Et Ultimécia est au sommet de sa puissance. Ceci est loin d’être une victoire. »

Il saisit son verre coloré d’un liquide violacé à la douce odeur de fleurs.

« Bien que le fait de t’avoir eu au creux de mes bras compense en partie mes échecs. »

Il but lentement le contenu de son contenant sans lâcher la femme qui lui faisait face.

« Enfin… Bientôt, ma protégée viendra jusqu’ici. Si je n’ai pas accompli mon devoir d’ici là... »

Il contempla le fond de son verre, presque nostalgique… Ou peut-être triste ? Allez savoir ce qui rendait ses traits aussi tirés.

« Et toi alors ? Tu sembles bien morose. Est-ce que la chute de Garland, ou de son vaisseau t’importait tant que cela ? Je ne comprends pas encore assez tes desseins… Et j’ai en horreur les inconnues. Pourquoi ne pas essayer d’être sincère l’un envers l’autre ? »

Il plongea alors au plus profond de son regard avant de retourner au fond de sa chaise.

« Quoique… Cela me priverait d’une partie de ton charme. Si tu refuses, je suppose que je te proposerai de danser, tu refuseras de nouveau, et je pourrai m’échapper avant que l’endroit ne finisse par se consumer. Disons que… La balle est dans ton camp ? »