Où l'on ne manque pas de faire de nouvelles rencontres | Début RP Langar

Luca la magnifique, l’éternelle festive, était comme à l’accoutumée baignée d’un grand soleil et l’activité n’en était qu’autant plus décuplée. Les marchands faisaient leur commerce en plein air, les artistes se produisaient sur le pavé et bien évidemment, les navires effectuaient leur transit à un rythme tout aussi effréné.

C’est d’un de ces bâtiments flottants que la figure du dénommé Langar s’était extirpé, seul.

S’il tenta de vaquer librement à l’écart des quais, il ne tarda pas à se retrouver partiellement bloqué par l’affluence de dockers et autres personnels de cabines évoluant dans l’espace restreint qu’offrait le port, tout aussi massif soit-il.
C’est ce moment que choisit un individu en armure décorée de plusieurs médailles pour forcer le passage, manquant de peu d’envoyer le chercheur nager dans l’eau pourtant bien tempérée du port. Fort heureusement, les réflexes d’un bon samaritain lui évitèrent le bain inopiné et la main tendue lui permit de retrouver son équilibre aussi vite qu’il l’avait perdu.

« Vous l’avez échappée belle, dites donc. Tout va bien ? Pensez à vous écarter du passage quand des moines sont dans le coin, ils sont particulièrement agités ces temps-ci. Vous m’excuserez de ne pas rester plus longtemps, je suis quelque peu occupé. Bonne journée. »

Le jeune homme aux cheveux roux arborant un cache-oeil du côté droit dépassa l’érudit en lui déposant une main amicale sur l’épaule avant de disparaître au milieu de la foule.

L’altercation avait laissé le temps aux moines qui constituaient l’escorte de Langar de le rattraper depuis le navire.

« Sire Langar, évitez de vous éclipser de la sorte, je vous prie. Luca a beau être parmi les villes que l’Eglise administre, vous n’êtes pas à l’abri de mauvaises rencontres. Nous allons vous conduire à la branche locale de Yevon, suivez-nous. »

Il est un certain nombre d'activités dont on dit qu'il faut les pratiquer au moins une fois dans sa vie ; parmi celles-ci, on en trouve plusieurs qui sont liées au voyage : traverser le continent, découvrir les lieux de pèlerinage, voyager entre les mondes (depuis peu)... et bien entendu, prendre un bateau en pleine mer. Je venais d'accomplir la dernière pour la première fois en 1027 ans d'existence, et le résultat était très clair : je ne voulais plus jamais recommencer. Le trajet depuis Bevelle avait été relativement court, mais à peine avions nous quitté le rivage que j'avais été pris de violentes nausées. L'équipage, ainsi que mon escorte de moines, m'avaient affirmé que cette affliction, appelée "mal de mer", finirait par passer avec les voyages. Comme si j'allais remonter un jour sur ces maudits bâtiments.

Autant dire que j'avais passé le trajet à tenter de dormir dans ma cabine, ou la tête par dessus le garde-fou, et que j'avais peu apprécié tant le trajet que l'arrivée à Luca, pourtant vantée par mes compagnons de voyage comme étant grandiose. Conséquemment, à peine notre navire avait accosté, je me précipitais sur les quais, laissant sur place mes chaperons, afin de reprendre mon souffle et, par ailleurs, de fuir la mer. Mais c'était loin d'être aussi simple que ce que je pensais. A peine avais-je fait 10 pas que je me retrouvai bloqué par les marins des navires alentours débarquant leurs marchandises. En revanche, dans l'autre sens, une grosse brute en armure traversa sans considération pour les gens autour de lui, m'incluant. Celui-ci me bouscula sans vergogne, manquant de m'envoyer à l'eau, et seul la main tendu d'une bonne âme m'empêcha de devoir être repêché.

Vous l’avez échappée belle, dites donc. Tout va bien ? Pensez à vous écarter du passage quand des moines sont dans le coin, ils sont particulièrement agités ces temps-ci. Vous m’excuserez de ne pas rester plus longtemps, je suis quelque peu occupé. Bonne journée.

Et je n'eus même pas le temps de lui répondre. Sa bonne action accomplie, il disparut immédiatement, me laissant, il fallait bien l'avouer, quelque peu béat.

Mais je ne pouvais pas le rester longtemps. Mes accompagnateurs avaient profité de ce ralentissement pour me rattraper. Et alors je qu'ils me priaient de ne pas m'éloigner seul, je contins mes restes de nausée, et affichai un sourire calme et charmeur.

Je vous prie de bien vouloir m'excuser, je souhaitais simplement voir la ville de plus près... et m'éloigner quelque peu de l'Océan.

Cette réponse sembla lui convenir. Pour certains, il pourrait sembler étrange de voir un Maître de Yévon de s'excuser devant de simples gardes armés, mais même s'ils s'efforçaient de me montrer le respect qui est dû à un homme de mon rang, ni eux ni moi n'étions dupes. Si j'affichais un comportement trop suspect, je serais ramené à Bevelle soit par la force, soit par le chantage. Je les laissai donc m'encercler et me guider.

Le temps que nous avancions, je pris tout de même le temps d'admirer la ville autour de moi. Moi qui ne connaissait sur Spira que Bevelle (et la Zanarkand d'autrefois), j'étais agréablement dépaysé par le côté moins austère de Luca. Les gens ici étaient moins guindés, plus joyeux et détendus, et l'architecture était plus simple, à l'exception du grand stade de blitzball que nous avions dû contourner en arrivant. La population était également plus variée, que l'on parle des races de Spira ou d'individus venant d'autres mondes. Et pour cause, d'après ce que j'avais appris à Bevelle, la cité portuaire était le principal carrefour de voyage de Spira. C'est d'ailleurs cette information qui m'avait poussé à commencer mon voyage ici, plutôt que de partir directement en terre inconnue.

Au fur et à mesure que nous éloignions des quais, la foule se faisait différente. Moins d'étrangers, plus de gens qui semblaient bel et bien vivre dans cette cité, mais mon escorte ne se relâchait pas pour autant. Mon guide avait parlé de mauvaises rencontres, mais il semblait qu'ici, cela ne se limitait pas à le peur bien connu de Yevon pour l'étranger. Après tout, l'Histoire de l'Eglise avait été entachée, de ce que j'avais compris, par les actes de Lady Yuna, et même si Monseigneur Asran avait fait de son mieux pour étouffer l'affaire et conserver la puissance du clergé, les Maîtres de Yevon étaient clairement regardés avec moins de respect que pendant ces mille ans que je n'avais pas connus.

Par ailleurs, cette réflexion sur l'influence de Yevon me poussa à poser une question à mon accompagnateur.

Vous me disiez que Yevon administre cette ville, mais j'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas de temple ici. Y a-t-il une raison à cela ? Se pourrait-il que l'influence de l'Eglise soit moins forte ici ?

Et à fin d'éviter que cette question soit mal vue, j'affichais mon sourire habituel avant de continuer.

Pardonnez-moi si la question vous semble déplacée, mais en tant que Maître de Yevon, je me dois de renseigner sur ce genre de choses. Comment pourrais-je défendre les intérêts de l'Eglise si j'ignore où ils doivent être renforcés ?

« Oh ! Oh, oui bien sûr. Nous comprenons. Veillez juste à ne pas trop vous éloigner, du moins tant que nous avons ordre de vous accompagner. Si vous vous sentez prêt, nous allons y aller. Par ici. »

Le jeune homme et son escorte purent reprendre leur marche en direction du centre-ville de Luca. Les questions du Maître nouvellement promu ne manquèrent pas de déstabiliser quelque peu les membres de la troupe, qui se jetèrent des regards interloqués l’espace de quelques secondes avant que celui qui semblait les mener ne réponde après s’être éclairci les bronches :

« Ahem ! Je suppose que dans la précipitation suite à votre nomination, il a pu vous manquer un certain nombre d’information qui aurait dû vous être communiquer. Il est exact que la ville de Luca ne dispose pas d’un temple à proprement parler mais l’Auditorium ainsi que le stade de blitz restent des institutions importantes pour la population. Vous n’êtes pas sans savoir que depuis que l’Eternelle Félicité a été proclamée il y a un peu plus d’un an, des suites de la disparition de Sin, les dissensions au sein de la population n’ont cessé de grandir. Etant donné que Luca permet aussi et surtout la liaison vers les iles de Besaid, Kilika et des ruines de l’ancienne Baaj, il a été décidé de renforcer les activités de la branche locale, en commençant par y établir le bureau des Juges de Luca. Pour le moment, seuls deux d’entres eux y sont régulièrement actifs, le gros des actions de l’Inquisition ayant été rapatrié sur Bevelle après l’attaque de la Sorcière Ultimécia. C’est d’ailleurs l’un d’entre eux qui a souhaité s’entretenir avec vous aujourd’hui pour informer de la situation locale et de ce que vous pourriez faire. »

L’arrivée au bâtiment hébergeant la branche de Luca s’effectua sans encombre supplémentaire et après avoir laissé une partie des hommes du peloton dans le hall principal pour y effectuer les démarches d’enregistrement, le leader emmena Langar à l’étage, le faisant traverser un couplet de couloirs avant de s’arrêter devant l’une des portes d’un des bureaux. Après avoir toqué et s’être annoncé, il invita le chercheur à s’y engouffrer.

En entrant dans la pièce, il pu y déceler l’austérité qui s’en dégageait avant même de poser les yeux sur le décor qui s’offrait à lui : une large baie vitrée encadrée par des rideaux gris partiellement tirés pour occulter la lumière du soleil qui s’engouffrait par-delà les carreaux, des étagères remplies de centaines de dossiers reliés, deux chaises seules pour faire face à un large bureau en bois sombre sur lequel s’affairait un homme aux traits tirés par la fatigue et  son âge relativement avancé. Malgré sa position l’obligeant à cambrer son dos vers l’avant, on pouvait constater une carrure plus que respectable, amplifiée par la présence du sabre dans un fourreau exposé sur le socle de la commode dans son dos.

« Monseigneur, nous voici...
-Je suis au courant. Merci. Comme vous pouvez le constater, je suis occupé. Deux minutes, c’est tout ce que je demande. Libre à vous de patienter ici ou d’attendre dehors. Ne faites pas plus de bruit que nécessaire, cependant.
-Entendu. Mes hommes sont encore en bas, je vais retourner auprès d’eux. Sire Langar, nous nous reverrons plus tard. »

Le leader de bataillon se retira alors, laissant le jeune homme avec le Juge en train de rédiger d’importantes missives qui se verraient très certainement adressées à ses pairs. Les quelques instants de silence entrecoupés par le grattement de la plume sur le papier ne manquèrent pas d’installer une certaine tension dans la pièce mais comme il l’avait prédit, l’homme en tenue officielle traça le dernier trait de plume tandis que l’aiguille de la pendule exposée au-dessus de la porte du bureau terminait sa seconde révolution.

« Navré pour ce délai. Nous allons pouvoir commencer. »

L’homme se leva, dévoilant sa stature aussi imposante qu’avait pu le soupçonner Langar et après avoir observé ce dernier un long moment, reprit la parole en approchant sa main de l’arme sur le support en bois.

« Je me nomme Charon, Juge en charge des affaires criminelles et de l’Inquisition dans cette région. Mes... pairs au sein du clergé semble vous considérer comme un opportuniste, usant de l’autorité de l’Eglise et du rang qui vous a été attribué pour planifier des actions néfastes. Je ne me permettrais pas de commenter là-dessus, d’abord parce que je me dois d’être impartial et surtout car jusqu’à aujourd’hui, je n’avais jamais entendu parler de vous. Tout ce qui m’importe est le bien-être des habitants de Spira et tout individu susceptible de menacer la paix si fragile pour laquelle nous avons tant sacrifier se verra appliquer une sentence appropriée. La première question qui me vient est donc la suivante : que comptez-vous accomplir en venant ici, à Luca ? »

Une main dans le dos, l’autre tenant fermement le fourreau sans le retirer de son socle, son regard acéré tel un aigle observant la proie sur laquelle il s’apprêtait à fondre, le Juge Charon faisait face à son interlocuteur comme s’il présidait sa salle d’audience, prêt à rendre son verdict sans concession.

Comme on pouvait s'y attendre, ma question provoqua un certain embarras au sein de mon escorte, mais le guide prit tout de même le temps de me répondre avec déférence. La hiérarchie rigide de l'Eglise me rappelait douloureusement le conseil de Zanarkand, mais elle m'était ici fort pratique. Personne autour de moi n'oserait remettre en doute mon autorité, sous peine d'une sévère punition, voire d'une excommunication. Ceci dit, il valait mieux éviter d'en abuser. Mon voyage dans le temps restait un secret réservé aux plus hautes sphères de Yevon, et ma méconnaissance du monde actuel et des attributions du clergé pouvaient m'amener une mauvaise réputation, chose que Monseigneur Asran ne tolèrerait sans doute pas longtemps.

Je me contentai donc de remercier mon interlocuteur pour ces informations et de continuer la route en silence. Nous arrivâmes très vite au fameux bureau des juges, et à voir le bâtiment, on constatait facilement la perte de pouvoir dont parlait le moine. Bien loin de l'architecture très reconnaissable de Bevelle, ou même des temples dont j'avais pu voir des images via des sphères, cet édifice avait manifestement pour but premier de se fondre dans la ville. Bien qu'il fût imposant, sa construction ne dénotait d'aucune différence stylistique avec le reste de la cité.

En revanche, l'intérieur ressemblait en tous points de ce qu'on pouvait attendre de Yevon : hautes colonnes, grands drapés et couleurs vives ; la transition fut particulièrement brutale, comme s'il existait un portail à l'entrée menant tout droit à la salle d'audience du grand Maître. Je songeai avec ironie que cette différence si marquée était assez représentative de l'évolution de Yevon après l'éternelle Félicité : une apparence plus ouverte aux autres cachant en réalité les même vieux principes qui avaient guidés ce monde pendant mille ans.

Cette réflexion amena une seconde surprise lorsque, pénétrant dans le bureau dans laquelle on m'amenait, je découvris une décoration beaucoup plus simple. Les étagères remplies de dossiers et les rideaux gris devant la grande baie vitrée dégageaient une simplicité bienvenue en sortant de cette ambiance religieuse extravagante. Seuls dénotaient de cette ambiance un sabre engainé, posé sur une commode tout simple, et le propriétaire de la dite-arme, écrivant quelque chose sur son bureau. Celui-ci nous demanda un peu de patience, et mon guide décida de rejoindre ses autres hommes dans le hall, me laissant seul avec lui dans le bureau.

S'il était pour le moins gênant de se retrouver ainsi seul avec lui dans ce bureau, avec pour seul son le grattement de la plume, ne recevant aucune indication de sa part, je pris la liberté de m'asseoir en face de lui, et de l'observer. Il me semblait très différent de la plupart des hauts-membres de l'Eglise que j'avais rencontré jusqu'à maintenant. Déjà, il était manifestement rompu à l'art du combat, si j'en jugeais à sa stature, et malgré son âge manifestement avancé - pas plus que de raison, mais tout de même - je n'aurais pas pris le risque de le provoquer. Par ailleurs, ses traits fatigués m'indiquaient qu'il était sans doute beaucoup plus sérieux et appliqué que la plupart de ses confrères et supérieurs de Bevelle. Et le fait qu'il se permettait de faire attendre un Maître sans sourciller démontrait sa confiance en lui, et son autorité.

Il posa le point final de son message et sa plume, et prit la parole, confirmant mes impressions. Il se permit de m'informer du mépris que les religieux me portaient, chose dont je me doutais mais qui m'étonna tout de même - je ne pensais pas partir d'aussi bas - sans pour autant me reprocher quoi que ce soit, et s’enquit des raisons de ma présence ici.

Honnêtement, cet homme me faisait plutôt bonne impression. Il semblait si éloigné de l'hypocrisie et des intrigues omniprésentes à Bevelle, et il semblait honnête dans ses désirs de paix. Mais ça ne changeait rien. Il allait avoir droit au même discours que les autres, accompagné du même sourire.

Avant de vous répondre, permettez-moi de vous remercier pour cette invitation à m'entretenir avec vous. Il me sera sans doute beaucoup plus facile d'obtenir des réponses ici que n'importe où ailleurs dans cette ville.

En effet, la raison de ma présence ici est tout bêtement la collecte d'informations. Luca étant le principal carrefour, non seulement de Spira, mais aussi avec les autres mondes, j'avais espoir de pouvoir en apprendre plus sur le sujet de mes recherches.

Je fus tenté d'arrêter ici, afin de voir s'il allait me laisser partir sans plus de détails, mais je préférai continuer. Si, comme je le supposais, son désir de paix était sincère, il n'allait pas se contenter d'une si maigre explication, surtout de la part d'un homme aussi suspect.

Je dois avouer ne pas savoir jusqu'où je peux vous révéler ce sur quoi je travaille, je ne suis pas encore très au fait de la hiérarchie du clergé, et le projet est assez secret, mais pour faire simple, je mène des recherches sur les chimères, au nom de la collaboration entre Yevon et la Neo-Shinra. Cependant, j'ai bien peur de me heurter à un certain nombres d'impasses, et j'ai souhaité partir enquêter afin d'obtenir plus d'informations sur les chimères déjà recrées, les informations dont je dispose à Bevelle étant limitée à cause de la compartimentation, mais également sur les fameuses chimères d'Héra. A cause de l'attaque d'Ultimecia, il fut décidé de me donner le titre de Maître afin de faciliter et d'accélérer ces recherches. C'est sans doute cela qui me vaut cette réputation "d'opportuniste".

C'était plus une demi-vérité qu'un véritable mensonge, d'autant plus que je savais que Monseigneur Asran ne révèlerait jamais les véritables circonstances de ma nomination. Autrement dit, je ne risquais pas grand chose avec ce que je venais de dire. Pas encore tout du moins.

Charon avait écouté attentivement la réponse de Langar, fixant intensément le jeune homme tout au long de sa longue tirade en maintenant sa posture. Ce ne fut que lorsque les derniers mots furent prononcés, suivis de quelques secondes de réflexion silencieuse, qu’il retira sa main du fourreau et passa ses bras dans son dos, que les pans de son manteau porté à même les épaules dissimulaient partiellement.

Une longue inspiration ainsi qu’une expiration du même acabit vinrent troubler la quiétude de la pièce, ce qui permis à qui voulait bien y prêter attention de constater que les sons de l’extérieur ne semblaient pas atteindre le bureau du Juge, probablement grâce à un sortilège ou autre équipement permettant l’isolation des lieux.

« Bien. Quoi qu’en disent les autres membres du clergé, vous aurez au moins eu le mérite de vous faire un nom dans les sphères intellectuelles de notre ordre et il n’est pas déraisonnable de penser que votre savoir a donc plus d’utilité à être employé dans un domaine où nombreux sont ceux vivant sur Spira qui ne semblent pas vraiment y porter grand intérêt… Sachez toutefois qu’à titre personnel, je ne considère pas les symboles d’une ère passée comme capables de mener notre peuple vers un futur radieux. Ce qui fait que je ne serais malheureusement pas celui en mesure de vous apporter les réponses que vous êtes venus chercher. Vous le constaterez rapidement, si vous n’êtes pas déjà au courant, que la région commence lentement à attirer les problèmes… »

Une idée sembla venir soudainement à l’esprit du Juge, qui vint s’asseoir de nouveau au bureau duquel il s’était levé plus tôt pour attraper une nouvelle feuille vierge sur laquelle il commença à rédiger une note.

« J’ignore combien de temps vous et les hommes qui vous ont accompagné comptez rester dans les environs mais tant que vous serez susceptibles de requérir l’assistance des juges de Luca, je vous demanderai de vous adresser à la personne à qui s’adresse cette missive. Il s’agit d’un jeune Juge qui nous a rejoint l’année dernière, dont la formation doit s’achever dans peu de temps. S’il semble prometteur au demeurant, il est presque autant excentrique que son maître. Si je ne vous demande pas de faire preuve d’indulgence envers ses potentiels débordements, j’ose espérer que vous n’abuserez pas de notre hospitalité. »

Après avoir terminé d’écrire son message, il apposa son cachet officiel puis roula la feuille avant de la tendre à Langar.

« Si vous le cherchez, il est probablement encore occupé à superviser l’inspection du port. Ce rôle était censé m’incomber aujourd’hui mais mes responsabilités continuent de me retenir ici-même, aussi ai-je pris la décision de le laisser faire en attendant. Vous pourrez toujours demander à me parler si l’envie vous prend durant le reste votre séjour mais je ne peux vous garantir être disponible selon comment la situation va évoluer… Je pense avoir fait la lumière sur tous les points qui me paraissaient pertinents concernant les raisons de votre venue à Luca, aussi je vous laisse poser à votre tour vos éventuelles questions. »

Ce faisant, Charon reprit position dans son fauteuil derrière le bureau ébène, appuyant son regard insistant d’une posture ferme, ses doigts s’entrecroisant à bonne distance de son buste tandis que ses épaules s’inclinaient vers l’avant comme pour inviter son interlocuteur à reprendre la parole rapidement.

Les quelques secondes qui suivirent ma réponse me parurent particulièrement longues, tant le silence était étouffant. Bien entendu, le fait que mon interlocuteur tienne fermement l'arme posée sur son présentoir n'était pas pour me rasséréner. Heureusement pour moi, mon masque de cire était rodé, et je ne laissai rien transparaître. Le silence finit par être brisé par une puissant soupir, avant que mon interlocuteur se décide à lâcher le fourreau de son sabre et à me répondre.

Manifestement, ma réponse l'avait convaincue. A défaut d'être reconnu comme homme d'église, j'avais manifestement une réputation honorable en tant que chercheur, et si cela me permettait d'ouvrir quelques portes supplémentaires, c'était plus qu'appréciable. Au moins, tout ce temps passé à trimer dans les laboratoires de la Néo-Shinra n'avait pas été vain. Je dus cependant réprimer un léger mouvement d'exaspération lorsque Sire Charon évoqua son absence d'intérêt pour les "symboles du passé". Après tout, je faisais partie de ces reliques, et je leur avais consacré ma quête. Il m'était donc nécessaire, à deux égards, que cet homme si sûr de lui ait tort sur toute la ligne.

Alors qu'il évoquait les problèmes que subissaient la région, il se rassit et saisit sa plume avant de recommencer à écrire, m'expliquant qu'il rédigeait une missive à la personne à qui je devrai rendre des comptes tant que je serais sous l'autorité du bureau des juges de Luca. La description qu'il faisait de cet individu n'était guère attrayante, d'autant plus que je n'avais guère de goût pour une excentricité qui n'était pas la mienne. Qui plus est, il me demandait d'être indulgent avec lui et de ne pas abuser de leur hospitalité. Je lui assurai, alors qu'il achevait sa lettre, qu'il n'aurait pas à s'inquiéter d'une telle chose.

Puis il me tendit le message tout juste écrit. Je le pris machinalement pendant qu'il m'expliquait où je pourrais trouver mon nouveau référent, mais je dus lutter pour garder un visage aimable. J'avais bien conscience que c'était un homme occupé, et qu'ils étaient en sous-effectifs, mais avais-je vraiment l'air d'un garçon de course ? A quoi bon me débrouiller pour devenir Maître si c'était pour perdre du temps à délivrer le courrier ? Enfin, je suppose que rendre ce genre de services ne pouvait que m'aider à me faire bien voir... Le respect eût été plus utile pour mes recherches, mais il fallait bien commencer quelque part.

Et d'ailleurs, j'avais une idée pour cela. Alors que le juge me demandait si j'avais des questions, je me remémorai ces paroles précédentes, et je me permis de lui en parler.

J'aurais juste une question. Vous avez évoqué des problèmes dans la région. Pouvez-vous m'en dire plus ? Peut-être pourrais-je vous aider. On m'a fait comprendre que vous étiez actuellement en sous-effectif, suite à l'attaque d'Ultimelcia, et je serais ravi de vous apporter mon assistance tant que je suis ici. Après tout, je doute de trouver toutes les informations que je cherche en une ou deux journées.

Quitte à perdre du temps à se faire bien voir, régler de véritables problèmes serait sans doute plus efficace que jouer au facteur. Qui plus est, régler les problèmes d'une ville m'apporterait aussi la sympathie des habitants, et une ville avec autant de voyageurs était le cadre idéal pour améliorer sa réputation.

L’intérêt pour les troubles qui agitaient Luca et ses environs que manifestait l’individu qui lui faisait face ne parut pas surprendre le Juge, qui ne quitta pas immédiatement la position dans laquelle il s’était placé, se contentant de fixer longuement Langar d’un regard insistant. Cela dura pendant encore quelques secondes, après lesquelles Charon décida finalement de décroiser les doigts de sous son menton pour déclarer :
« Votre générosité vous honore, je dois bien le concéder. Sans rentrer dans les détails, mes services ainsi que ceux de la garnison de moines en charge de Luca et des terres l’entourant devons faire face à une… disons, opposition de la part de factions dissidentes. Plusieurs groupes de hors-la-loi ont décidé de faire surface des suites de l’attaque sur la capitale par les forces de la Sorcière il y a de cela quelques temps, pensant que l’autorité du Clergé s’est affaiblie. Nous faisons de notre mieux pour maintenir l’ordre mais il n’est pas rare ces temps-ci de nous retrouver à surprendre des activités de contrebande, de vol en bande organisée ou tout autre visant à nous écarter de notre devoir habituel… »

L’homme en uniforme vint repositionner son dos dans le fond de son siège puis il pointa du doigt la lettre qu’il avait confié à l’homme de science plus tôt en déclarant :
« Le jeune homme à qui s’adresse cette missive se nomme Fent. Il pourra vous en dire plus une fois que vous aurez fait connaissance, notamment car ce qu’il est amené à accomplir est en corrélation directe avec la situation qui nous préoccupe à l’heure actuelle. En attendant, je vous souhaite bonne chance dans vos recherches. Pensez à bien fermer la porte de mon bureau en partant. »

Ces bonnes paroles prononcées, Charon empoigna un dossier qui attendait au coin de son bureau et commença à le feuilleter, comme pour annoncer qu’il venait de se fermer officiellement à la discussion.

Lorsque Langar fut ressortit du bureau du Juge, un des membres de son escorte l’attendait déjà au bout du couloir par lequel il était arrivé à l’aller.

« Le capitaine m’a demandé de vous rejoindre. Nos démarches ici sont terminées, et des hommes ont été envoyés nous chercher un endroit où loger pour la durée de notre séjour. Ils devraient être de retour assez rapidement. Que souhaitiez-vous que nous fassions, en attendant ? »